Guerre informationnelle : L’ autre front de la lutte contre le terrorisme

Alors que les attaques terroristes sont de plus en plus orientées vers le Sud du pays et que les réseaux sociaux deviennent un champ de bataille pour la propagande, experts, usagers de la route et citoyens appellent à une riposte coordonnée des autorités. Entre désinformation et résilience, le Mali tente de prendre le dessus sur le front de la guerre informationnelle

Publié mardi 16 septembre 2025 à 09:34
Guerre informationnelle : L’ autre front de la lutte contre le terrorisme

Les campagnes de désinformation ciblent l'Armée et favorisent le terrorisme


De nos jours, la guerre informationnelle est devenue un enjeu central dans la lutte contre le terrorisme et les conflits modernes. Au-delà du terrain militaire, la lutte contre le terrorisme se joue aussi dans l’espace médiatique et numérique. Aujourd’hui, les groupes armés terroristes ont compris que la peur est une arme redoutable. Ils utilisent les réseaux sociaux, les applications de messagerie et les rumeurs locales pour amplifier leurs actions, semer la confusion et affaiblir la confiance des populations envers l’État. Cette guerre de l’information représente un défi stratégique majeur pour les Forces armées maliennes (FAMa) et pour toute la société. Les campagnes de désinformation peuvent semer la confusion, opposer les communautés et affaiblir la confiance en l’État et aux Forces de défense. Une attaque mineure peut être exagérée en ligne, donnant l’impression que les terroristes sont plus puissants qu’ils ne le sont réellement, ce qui peut entamer le moral de la population, voire les décisions politiques. Cette situation a un impact direct sur les usagers de la route.  C’est la peur au quotidien.


Boubacar Soumaré, commerçant à Bamako, rencontré au Quartier du Fleuve, confie que la situation sécuritaire pèse lourdement sur son activité. «J’ai peur d’emprunter certains axes routiers à cause des attaques qui visent les cars de transport. Pour nous commerçants, c’est un vrai risque. Tous les convois devraient être escortés par l’Armée jusqu’à destination finale», estime ce commerçant. Il souligne également l’impact psychologique des rumeurs et des images diffusées en boucle sur les réseaux sociaux. «Parfois, quand on regarde les réseaux sociaux, on a l’impression que les groupes armés terroristes contrôlent tout le pays. Cela nous décourage et nous pousse même à annuler des voyages», déplore Boubacar Soumaré, tout en appelant à un meilleur encadrement de l’information pour rassurer les populations.


Moussa Traoré, chauffeur de car sur l’axe Bamako-Kayes, partage son inquiétude. «Chaque départ est une source d’angoisse pour nous aujourd’hui. Nous avons toujours peur de tomber dans une embuscade», confie-t-il. Celui que nous avons trouvé en train de faire le plein de son véhicule dans une station d’essence pense que la guerre informationnelle amplifie ce climat de peur. «Sur les réseaux sociaux, les rumeurs circulent plus vite que la réalité. Dès qu’une attaque se produit, on a l’impression que tout l’axe est devenu dangereux, même si ce n’est pas le cas. Cela fait fuir les passagers et nous travaillons à perte», déplore le chauffeur, appelant à renforcer la communication officielle pour éviter la psychose.

 

Des sanctions exemplaires- Pour Ibrahima Baba Diarra, la guerre informationnelle a toujours été utilisée comme un outil de domination depuis la pénétration coloniale française, et reste, encore aujourd’hui, l’arme la plus redoutable parfois plus destructrice qu’un fusil. Pour ce citoyen lambda, il est difficile de comprendre pourquoi le franc CFA devient rare et chiffonné, alors que des liasses neuves sont régulièrement récupérées sur les groupes armés terroristes qui, pourtant, n’ont pas accès à nos banques. «Les moyens de cette guerre sont clairs : des individus sans scrupules sont utilisés pour animer les réseaux sociaux, afin de démoraliser les populations, détruire tout espoir, saboter les projets de développement et décourager nos militaires sur le terrain », affirme Ibrahima Baba Diarra. Cela, pour dire que l’objectif final est de pousser la population à se soulever contre l’État.


Pour le sexagénaire, il est urgent que des sanctions exemplaires soient appliquées contre ces brebis galeuses. Selon lui, la loi devrait interdire la publication sur les réseaux sociaux de photos de militaires tombés au front ou enlevés, sous peine de prison. «Ces images affectent profondément le moral des troupes. Seul l’État doit avoir l’autorité de communiquer ces informations et uniquement à l’adresse des familles concernées. Trop souvent, des photos sont publiées avant même que les autorités n’aient pu informer les proches. C’est abominable et cela doit cesser», dénonce-t-il. Ibrahima Baba Diarra soutient que les groupes terroristes sont financés, armés et drogués pour faire du mal à leurs propres communautés en échange de quelques billets de Fcfa, fabriqués à nos frais par ceux qui veulent nous affaiblir.


Et de dire que l’État devrait mobiliser les auteurs de fausses informations et les envoyer sur le front pour servir la nation. Mais aussi encourager et féliciter les journalistes qui font de leurs plumes une arme dans cette guerre informationnelle dirigée contre notre pays. Pendant ce temps, certains médias internationaux comme RFI, France 24, voire des médias locaux sapent l’image du Mali, sans que les droits de réponse de l’État, de la justice ou du citoyen lambda ne soient toujours relayés, déplore Ibrahima Baba Diarra. Il dira que lorsque les villes de Kayes, Nioro, Sikasso, Gao et même Bamako ont été attaquées, la jeunesse malienne a montré sa résilience et sa soif de défendre la patrie. «Malheureusement, sur le terrain de la guerre informationnelle, nous restons passifs. Les médias donnent plus de place aux publicités qu’aux chants de bravoure pour nos militaires qui se battent au front et nous permettent de vivre en paix», affirme-t-il. Avant d’ajouter que chaque Malien devrait avoir une pensée quotidienne pour nos autorités et nos soldats grâce auxquels «nous ne subissons pas les violences des groupes armés terroristes.


En réponse à ces inquiétudes soulevées par les citoyens, un officier supérieur de l’Armée qui a requis l’anonymat, dira que la peur ne doit pas prendre le dessus. Il assure que la sécurisation des axes stratégiques reste une priorité.  «Nos unités poursuivent les ratissages et les escortes sur les principaux corridors. Nous savons que les groupes terroristes jouent sur la peur pour dissuader les populations de voyager et paralyser l’économie. Mais nous appelons les citoyens à rester vigilants sans céder à la panique. Les FAMa sont sur le terrain et déterminées à neutraliser toute menace», assure notre interlocuteur, qui rappelle également que des efforts de communication sont en cours. « Nous travaillons à fournir une information vérifiée et rapide, afin d’éviter que les rumeurs ne créent une psychose collective. La guerre de l’information est un front à part entière et nous la prenons très au sérieux», soutient-il.

 

Baisse de l'intensité de la menace- Dr Aly Tounkara, expert sur les questions de défense et de sécurité au Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S) pense que les récentes attaques enregistrées dans le Sud du pays témoignent d’un changement stratégique des groupes armés. «Leur installation vers des localités comme Sikasso prouve qu’ils ont été défaits dans leurs quartiers généraux», signale-t-il. Le chercheur a révélé une situation paradoxale, notamment l’intensité des attaques qui baisse, grâce à la pression militaire, et la menace qui s’étend géographiquement. «Il y a une expansion de la menace, mais une baisse de l’intensité de la menace», explique Dr Tounkara, tout en soulignant que cette dispersion des combattants constitue une forme d’enveloppement stratégique qui vise à déstabiliser les zones jusqu’ici épargnées et à fragiliser le tissu social. Pour le spécialiste, les attaques contre les axes routiers et les biens de particuliers poursuivent un double objectif : saper le moral des troupes et alimenter, dans l’opinion nationale et internationale, l’idée d’une incapacité de l’État à contenir la menace. «Ces actions de sabotage visent à délégitimer les autorités et à provoquer, à terme, une révolte populaire», prévient-il. Pour lui, les groupes radicaux violents n’ont pas la capacité de contrôler les centres urbains ni de prendre Bamako en otage, mais ils cherchent à asphyxier l’économie et à éroder la confiance des populations. L’expert soutient que la dimension psychologique est centrale. D’après lui, la diffusion de fausses informations, la manipulation ou même la fabrication de faits constituent des armes puissantes pour miner la légitimité de l’État.


«Lorsqu’elles réussissent à gagner les esprits, ces campagnes de désinformation affaiblissent les institutions et favorisent le recrutement de nouveaux éléments parmi les jeunes», avertit Dr Tounkara. Pour le spécialiste du CE3S, cette guerre informationnelle ne se limite pas aux frontières. Elle peut décourager les investisseurs étrangers, nuire à l’image du pays et accentuer les frustrations sociales. «Dans certaines localités, les populations n’ont accès qu’à des rumeurs. Ce qui alimente la peur et peut déclencher des manifestations contre les Forces de défense et de sécurité», poursuit Aly Tounkara. L’expert sur les questions de défense et de sécurité estime que ces stratégies violentes et médiatiques visent à provoquer une rupture entre gouvernants et gouvernés, à hypothéquer la cohésion sociale et à délégitimer les institutions de la République.

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Quand l’information devient une arme

 

Chaque attaque terroriste est désormais accompagnée d’un récit. Dans de nombreux cas, les groupes armés terroristes diffusent eux-mêmes des images ou des messages sur les réseaux sociaux pour donner l’impression d’une puissance incontrôlable. Une embuscade mineure peut ainsi paraître, sur Facebook ou WhatsApp comme un désastre national. L’objectif est clair : créer un climat de peur et pousser les populations à douter de la capacité des autorités à les protéger. Cette désinformation peut avoir des conséquences graves, notamment l’affaiblissement du moral des troupes, la méfiance entre civils et militaires et même les tensions intercommunautaires lorsque des rumeurs accusent tel ou tel groupe.


Face à ce défi, les FAMa ont renforcé leurs mécanismes de communication. La Direction de l’information et des relations publiques des Armées (Dirpa) publie régulièrement des communiqués détaillant les opérations en cours, les bilans et les zones d’intervention. Elle organise aussi des rencontres avec la presse. Cette réactivité est essentielle pour contrer les rumeurs et rétablir les faits. La guerre informationnelle ne peut être gagnée sans la participation active des citoyens. C’est pourquoi, les autorités appellent les populations à faire preuve de vigilance et à vérifier les informations avant de les relayer. Une rumeur partagée sans vérification peut faire autant de dégâts qu’une attaque armée, en semant la panique et en fragilisant la cohésion sociale. Pour nombre de spécialistes de la sécurité, une présence plus offensive de l’État sur les réseaux sociaux est nécessaire. Il ne s’agit pas seulement de démentir les fausses informations, mais produire des contenus engageants, notamment les vidéos des opérations, les témoignages de populations libérées et les messages de cohésion nationale. 


Nul doute, en occupant l’espace numérique, les FAMa et les institutions peuvent non seulement rétablir la vérité, mais également restaurer la confiance et renforcer le moral des citoyens. Faut-il souligner que la guerre de l’information est un champ de bataille invisible, mais décisif. Pour la gagner, il faut de la rapidité, de la transparence et une coordination étroite entre l’État, les médias, la société civile et les plateformes numériques. Car dans ce combat, l’objectif est le même que sur le terrain : protéger les populations et préserver l’unité nationale. Pour l’instant, l’Armée garde une bonne longueur d’avance sur les forces du mal. Elle doit maintenir le cap pour éviter que les gredins purs jus ne gagnent le moindre pouce de terrain dans cette guerre informationnelle.

Souleymane SIDIBE

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