Échange des billets de banque usés : Une activité lucrative

Parfois source de tension entre vendeurs et acheteurs, les billets de banque mutilés sont pourtant échangeables au niveau des guichets de la BCEAO. Ce service gratuit permet à des jeunes de se frotter les mains. Nous avons enquêté pour en savoir plus

Publié vendredi 29 avril 2022 à 05:23
Échange des billets de banque usés : Une activité lucrative

La ménagère Salimata N’diaye achète 1.000 Fcfa de tomate chez une vendeuse de légume au marché de Médine à qui elle remet 2.000 Fcfa. La marchande lui rend la monnaie, un billet usé de 1.000 Fcfa. «Je ne prend pas ce billet. Il est trop maculé. Si je le prends personne ne l’acceptera.

Changez-le !», adjure Salimata. Visiblement déçue d’avoir échoué à se débarrasser de ce billet encombrant, la négociante tend deux billets de 500 Fcfa à sa cliente. «Je n’ai pas fait attention en prenant cet argent, il sera probablement une charge pour moi», lance-t-elle, le visage ressemblant à celui qui se fait un sang d’encre.

Autre lieu, scène similaire. Nous sommes cette fois dans un Sotrama (mini bus de transport en commun)  qui se dirige vers Baco Djicoroni Golf, en Commune V du District de Bamako. Juste après la descente du Pont Fahd, une dame tend un billet de 500 Fcfa enduit d’encre à l’apprenti chauffeur. Celui-ci crie : «Non, je ne prend plus ce genre d’argent. J’en ai un depuis plus de deux mois, tout le monde le refuse.

Changez-le ou descendez du véhicule», tranche-t-il, en cognant la main contre la carrosserie comme pour signaler au chauffeur qu’un client doit descendre. L’air choquée, la cliente change de billet et répond : «Et pourtant, c’est dans un Sotrama qu’on m’a remis cet argent-là». La sérénité ainsi retrouvée, l’apprenti s’explique : «Avant j’acceptais les billets usés, mais les passagers eux-mêmes les refusaient. J’ai donc arrêté de les prendre».

Les stations services qui constituaient un recours pour beaucoup d’usagers semblent de plus en plus regardantes sur la qualité des billets qu’elles reçoivent. «Nous acceptions les billets usés sans demander de l’argent en retour. Il suffisait que le numéro soit visible. Mais, nous avons souvent des soucis au niveau de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) quand l’argent est trop abimé», confie un pompiste travaillant pour une station Shell de la place.

Malgré cela, assure Moumini Traoré, il se retrouve avec des billets en très mauvais état parce que certains clients introduisent les mauvais billets entre les bons pour les dissimiler. Ces scènes de vie sont symptomatiques des difficultés qu’éprouvent des usagers à faire circuler les billets de banque usés lors des opérations d’achat/vente, etc. Ces billets s’abiment au fil du temps à force de passer de main à main. 

 

QU’EST-CE QU’UN BILLET MUTILÉ- La Foire aux questions de la BCEAO les appelle billet mutilé. Selon cet outil virtuel automatique répondant aux questions des usagers, il s’agit d’un billet incomplet, très fortement abîmé notamment par l’eau ou par le feu ou qui a subi d’autres formes de détérioration. Il est généralement trop endommagé ou friable pour servir de moyen de paiement, ou son état est tel que l’on doit recourir à un examen spécial pour en déterminer la valeur.

En effet, la BCEAO offre un service d’échange pour de tels billets à ses guichets. Elle rembourse, sous certaines conditions, les billets de l’espèce. Certains échanges peuvent toutefois être différés en fonction de la dégradation du billet présenté. Pour pouvoir bénéficier de ce service, la demande de remboursement ou d’échange s’effectue obligatoirement au guichet de la BCEAO en présence du titulaire qui doit être muni d’une pièce d’identité. L’échange est gratuit, sauf dans des cas très particuliers.

Certains usagers tel ce vendeur informel d’essence qui a requis l’anonymat, est au courant de ce service. Rencontré devant son kiosque de fortune où il vend du carburant dans des bouteilles, il est en possession d’un billet de 500 Fcfa coupé en deux. «C’est un client qui l’a donné la nuit à un de mes apprentis. Je n’ai plus d’autres choix que de le donner aux échangeurs contre 250 Fcfa. C’est mieux que d’aller à la banque pour observer une longue file à cause de 500 Fcfa», explique-t-il.

Cette impatience est à l’origine de l’émergence du métier d’échangeur de billets mutilés. Des jeunes en ont fait une source de profit en décidant de changer ces billets abimés moyennant rémunération. Youba Fofana est l’un de ces nombreux échangeurs de billets usagés. Il opère dans les alentours de la BCEAO.


Le diplômé de l’École centrale pour l’industrie, le commerce et l’administration (Écica) brandit des billets usés en l’air, une manière d’attirer l’attention d’éventuels clients. «Je le fais juste pendant les vacances ou lors des grèves à l’école pour gagner un peu de l’argent», explique Youba Fofana. Selon lui, les frais d’échanges pour le client dépendent de l’état du billet. «En principe le billet de 5.000 Fcfa est échangé à 1.000 Fcfa et 2.000 Fcfa pour le billet de 10.000», précise-t-il.

 

DÉCLARÉS «SANS VALEUR»- Pour ce faire, Youba Fofana amasse des billets de banque déchirés ou coupés, il les scotche. «Dès que j’ai assez de billets, je les attache à l’aide d’une barrette pour aller faire la queue devant la Banque, très tôt le matin. L’appel est fait par ordre d’arrivée. On nous remet une fiche sur laquelle chacun enregistre le nombre de ses billets. Après cette étape, tu mentionnes la somme totale en bas de la même fiche», explique celui qui se rend à la BCEAO une fois par mois. Pour être parmi les 20 à 30 premières personnes, il faut y être vers 4h du matin.

En face de la Banque de développement du Mali (BDM), opère Salia Camara. En train de courir après une voiture, il confirme que le métier peut nourrir son homme. «Nous avons toujours et régulièrement des clients. Cela est dû au fait que les gens gardent mal l’argent. Certaines personnes plient les billets n’importe comment», explique Salia Camara. Qui précise que la BCEAO fait les échanges chaque jeudi et mardi. Salia Camara s’y rend généralement avec 200.000 à 300.000 Fcfa constitués de billets abimés.

Habillé d’un pantalon Jean et d’un tee-shirt de couleur jaune, Drissa Keita tournait ce jour dans une rue à Djicoroni Para. Coiffé d’un bonnet noir, il hèle les passants en les invitant à venir échanger leurs billets usagés. Interrogé, celui qui dit travailler tous les jours sauf dimanche explique : «Je me promène dans les rues en quête de clients.

Il m’arrive de me déplacer chez certains clients à leur demande». Toutefois, déplore-t-il, l’activité est quelque peu plombée à cause des sanctions imposées à notre pays. «Mais, nous avons des contacts au niveau des pays voisins à qui nous envoyons les billets pour les changer», détaille-t-il, précisant qu’il peut faire un profit de plus de 5.000 Fcfa par jour.

Tous les billets mutilés ne sont pas échangés. Sont déclarés «sans valeur», donc non remboursables, les billets mutilés dont l’ensemble des fragments présentés est inférieur aux deux tiers (2/3) de la superficie de la vignette d’un billet entier. Il y a aussi les billets volontairement mutilés, les billets reconstitués frauduleusement à l’aide de fragments appartenant à plusieurs billets, ainsi que les billets endommagés par une encre provenant d’un dispositif antivol.

Fatoumata M. SIDIBÉ

Rédaction Lessor

Lire aussi : Extraction d’or dans les cours d'eau : Fini le laxisme !

La journée du vendredi 12 décembre 2025 marque la fin des opération de traque, de saisie et de destruction des engins artisanaux servant à la recherche de l’or dans les cours d'eau et sur leurs rives bordant les forêts, dans la Région de Bougouni. Plus d’une centaine de dragues et de machi.

Lire aussi : 90è session du Conseil d’administration de la BDM- SA : Le budget d’investissement et d’exploitation examiné par les administrateurs

Pour la 90è session du Conseil d’administration de la Banque de développement du Mali (BDM-SA), tenue samedi dernier dans ses locaux, les administrateurs ont examiné en premier lieu le budget d’investissement et d’exploitation qui permet à l’institution d’assurer la continuité de ses .

Lire aussi : Le chef de l’État reçoit les ministres de l’Économie et des Finances de la Confédération

En marge de leur rencontre, les ministres de l’Économie et des Finances de la Confédération des États du Sahel (AES) venus à Bamako pour les travaux de l'assemblée consultative de la Banque confédérale d'investissement et de développement (Bcid-AES) ont été reçus, hier dans l’après-.

Lire aussi : Marché des céréales sèches : Les nouvelles récoltes font baisser les prix

À la date du lundi 8 décembre, au Grand marché de Bamako, le sac de 100 kg de mil est vendu à 20.000 Fcfa contre 22.500 Fcfa avant. Le sac de 100 kg de riz Gamiyaka, cédé auparavant à 45.000 Fcfa, se négocie désormais autour de 40.000 Fcfa.

Lire aussi : #Mali : Les autorités de Kita s’approprient la stratégie nationale de lutte contre la corruption

Le gouverneur de la Région de Kita, Daouda Maïga, a présidé en début de semaine une session de vulgarisation de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption et de son plan d’actions 2023-2027..

Lire aussi : Gestion de la crise des hydrocarbures : Comment le gouvernement et les opérateurs pétroliers ont déjoué les pronostics

Ces derniers mois ont été marqués par un changement de posture des groupes armés terroristes qui ont décidé de s’attaquer aux sources d’approvisionnement du pays en produits pétroliers dans le but d’asphyxier l’économie nationale et de révolter les populations contre les autorités..

Les articles de l'auteur

Prix Fondation Orange Mali : Zeina Haïdara, lauréate de la 1ère édition

Pour la 1ère édition du Prix de la Fondation Orange, le trophée a été décerné à l’écrivaine Zeina Haïdara pour son livre intitulé : «Le silence des papillons». Ce prix d’une valeur de 3 millions de Fcfa a été initié par la Fondation Orange Mali pour encourager et accompagner les jeunes talents de la littérature, et surtout contribuer globalement à la promotion de la culture..

Par Rédaction Lessor


Publié lundi 15 décembre 2025 à 09:38

Communiqué du conseil des ministres

Le Conseil des Ministres s’est réuni en session ordinaire, le vendredi 12 décembre 2025, dans sa salle de délibérations au Palais de Koulouba, sous la présidence du Général d’Armée Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat..

Par Rédaction Lessor


Publié lundi 15 décembre 2025 à 08:48

2è session du Collège des Chefs d’État de la Confédération AES : Des préparatifs rassurants

En équipe pluridisciplinaire, la commission nationale d’organisation de la 2è session du Collège des Chefs d’État de la Confédération AES était sur le terrain ce samedi matin pour faire le point sur l’avancement des préparatifs..

Par Rédaction Lessor


Publié samedi 13 décembre 2025 à 21:27

Message de félicitations du ministre de la Communication, de l’Économie numérique et de la Modernisation de l’Administration aux acteurs de la presse

«Je voudrais ici adresser mes remerciements et mes sincères félicitations à l’ensemble de la famille des communicants du Mali. Que ce soit les journalistes de la télévision, de la radio, de la presse écrite, de la presse privée, de la presse publique, je vous remercie et vous félicite tous pour vos efforts de lutte contre le discrédit qui a été tenté contre notre pays..

Par Rédaction Lessor


Publié vendredi 12 décembre 2025 à 08:35

Causerie-débat : Le bumda sensibilise ses membres sur le droit d’auteur

Le Bureau malien du droit d’auteur (Bumda) a tenu, mardi dernier, au Palais de la culture Amadou Hampaté Ba, une causerie-débat pour sensibiliser et former ses membres, ainsi que l’ensemble des créateurs artistiques sur des activités en lien avec la gestion du droit d’auteur..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 11 décembre 2025 à 09:35

Génève : Le ministre Mossa Ag Attaher porte la vision stratégique du Mali sur les dynamiques migratoires en Afrique

Le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher, a pris part le samedi 6 décembre 2025 à la table ronde ministérielle organisée par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Genève en Suisse..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 11 décembre 2025 à 09:24

Ouélessébougou : Des céréales distribuées aux familles vulnérables

La mairie de la Commune de Ouélessébougou a procédé, mardi dernier, à la distribution de 14 tonnes de céréales aux familles en situation difficile et aux déplacés qui ont trouvé gîte et couvert dans la circonscription. Cette action humanitaire a été rendue possible, grâce au soutien opérationnel du Commissariat à la sécurité alimentaire..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 11 décembre 2025 à 09:16

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner