Spéculation foncière : Une menace pour les structures de recherche agricole

Les espaces réservés aux activités de recherche agricole sont aujourd’hui réduits à leur portion congrue. Pourtant, ces structures jouent un rôle important dans la production de semences et la protection des animaux

Publié jeudi 26 janvier 2023 à 06:44
Spéculation foncière : Une menace pour les structures de recherche agricole

Les agressions foncières sont courantes au Mali et même les domaines affectés aux structures de recherche agricole ne sont pas épargnés. À sa création, l’Institut d’économie rurale (IER) disposait de plus de 1.000 hectares de titres fonciers à vocation agricole à Sotuba. Il n’en reste plus qu’environ 268 hectares. En d’autres termes, ce sont plus de 700 hectares qui sont désormais occupés par des particuliers. Certains ont été autorisés à s’y installer par les autorités communales. Il y a aussi l’État qui, pour des raisons en rapport avec ses besoins, change la vocation agricole de ces domaines afin de les utiliser à d’autres fins. Au grand dam des chercheurs qui ont nécessairement besoin d’espaces pour mener leurs activités.

Ce n’est pas seulement à Bamako que les propriétés de l’IER sont spoliées par des particuliers. Bien que la situation soit beaucoup plus critique à Sotuba et à Samako, le problème est réel partout où l’Institut dispose des terres. «Aucune station ou sous-station n’est épargnée par les agressions foncières», fait constater le directeur des services d’appui technique de l’IER. M’Piè Bengali pointe un doigt accusateur vers les riverains de ces domaines et les autorités communales. Les premiers grignoteraient dans ces terres, sans aucune autorisation. Tout comme les seconds qui, pour des besoins d’urbanisation, essayent permanemment de les confisquer.

Pour démontrer l’ampleur du phénomène, M’Piè Bengali met en avant la situation dans laquelle se trouvent actuellement les stations de Sotuba et de Samako où l’IER disposait, il y a une vingtaine d’années, de vastes parcelles à vocation agricole. À Samako, la dernière agression remonte à quelques années : un décret a changé la vocation d’une superficie d’environ 20 hectares, pour en faire des parcelles à usage d’habitation.

De nombreux cas d’agressions foncières ont été également signalés sur les domaines de l’IER de Sotuba. Parmi ces cas, le plus retentissant a été orchestré par la mairie du District de Bamako. M’Piè Bengali revient sur cette affaire, encore pendante devant la justice. «Les autorités communales du District avaient autorisé le morcellement d’une partie de nos propriétés à Sotuba où elles ont délimité pas plus de 700 lots sur environ 16 hectares au profit d’un groupe de déguerpis. On a porté l’affaire devant la justice. À deux reprises, les jugements ont été défavorables à l’IER. Nous avons fait appel et, depuis deux ans, le dossier est au niveau de la Cour suprême», explique-t-il.

 

ENVIRON 268 HECTARES- Chaque année, selon le directeur des services d’appui technique, l’Institut perd des terres. Il rappelle que c’est l’Usine malienne de produits pharmaceutiques (UMPP) qui délimitait (côté ouest) le domaine foncier de l’IER. Actuellement, l’IER de Sotuba ne dispose plus que d’environ 268 hectares alors que son patrimoine dépassait 1.000 hectares. De l’UMPP jusqu’au rond-point du général Abdoulaye Soumaré, les immeubles dominent désormais le décor. Et également, déplore M’Piè Bengali, dans la Région de Kita, une cinquantaine d’hectares de l’IER sont désormais occupés par des habitants des villages environnants.


Ces agressions ne sont pas sans conséquence sur les activités de l’Institut qui contribue au développement de l’agriculture et à l’atteinte de la souveraineté alimentaire. «Les gens sont tentés d’occuper nos parcelles vides. Alors que toutes les parties de nos stations de recherche ne doivent pas être exploitées. Il y a des espaces naturels où on fait des observations et des expérimentations par rapport à l’évolution de la végétation», explique-t-il. Ajoutant que la terre est un outil de travail pour les structures de recherche. Cette recherche, dit-il, permet de mettre au point les variétés qui font de grandes productions et créent de la richesse. «Donc, une fois qu’on touche les domaines de la recherche, cela affecte la souveraineté alimentaire du pays», alerte M’Piè Bengali.

La situation n’est pas meilleure au Laboratoire central vétérinaire. À sa création en 1939 sous le nom de Laboratoire vétérinaire de production et de sérothérapie, l’actuel Laboratoire central vétérinaire (LCV) disposait d’un domaine foncier de 150 hectares pour ses activités de recherche. Ce domaine est reparti sur deux sites. Le premier site, qui fait 100 hectares, se trouve au bord du fleuve Niger à Sotuba. Et le deuxième site (50 hectares) est au bord de la route bitumée communément appelée «Kilomètre huit». Sur ces 50 hectares, le Laboratoire ne dispose plus que de «14 hectares à cause de la spéculation foncière», explique le secrétaire général du comité syndical du LCV.

 

TITRE GLOBAL D’UTILITÉ PUBLIQUE- Et comme si cela ne suffisait pas, nous confie Moussa Sissoko, «l’IER est en train de réclamer la paternité du domaine de 100 hectares du LCV à Sotuba». Et pourtant, il affirme qu’à l’origine, le LCV a été créé bien avant l’IER. «C’est sur ce domaine que l’IER a fait tirer récemment un titre foncier à son nom au détriment du Laboratoire. Alors que cette partie appartenait au LCV quand il était encore appelé Laboratoire de production et de sérothérapie. La zone était réservée pour nos animaux d’expérimentation. Nous sommes en train de la perdre», insiste Moussa Sissoko. Pour lui, cette situation est donc consécutive au changement de nom de la structure dont il impute la responsabilité à l’État.

Aussi, selon le syndicaliste, les particuliers qui se sont installés sur ces sites deviennent un véritable problème pour le laboratoire. «Nous produisons d’énormes déchets biologiques. Depuis un certain temps, nous avons du mal à nous débarrasser de ces déchets», se plaint-il. En effet, les germes des maladies manipulés au laboratoire sont des zoonoses, extrêmement dangereuses. À en croire le spécialiste, 80% des maladies humaines sont d’origine animale. «À cause du manque d’espace pour l’isolement des animaux malades, nous ne sommes plus bien outillés pour faire des travaux d’analyse», déplore Moussa Sissoko qui précise que le respect des normes de biosécurité est l’une des exigences de la procédure de certification des produits du laboratoire.

Pour protéger le peu qui lui reste de son domaine foncier, la structure a introduit une demande de déclaration d’utilité publique. «L’État doit aider le LVC à régler définitivement son problème foncier et protéger le reste de son domaine en créant un titre global d’utilité publique», plaide Abdoul Salam Maïga, secrétaire administratif du comité syndical du LCV. Cela est d’autant plus nécessaire que cette structure joue un rôle important dans la protection du cheptel de notre pays. Pour cette année, les prévisions sont estimées à 60 millions de doses de vaccins dont une partie sera exportée vers des pays de la sous-région. C’est dire que le Laboratoire, en tant que structure de production et de commercialisation de vaccins, selon notre interlocuteur, « fait aussi entrer des devises au pays ».

Makan SISSOKO

Lire aussi : Bafoulabé : Alerte sur le fleuve Bakoye

Le fleuve Bakoye, autrefois fierté des populations riveraines et source de vie, est devenu aujourd’hui une source de danger, arborant une teinte beige, reflet des déversements chimiques continus, selon le constat des riverains..

Lire aussi : Tribunal de grande instance de Sikasso : La chambre criminelle tient sa 1ère session

La 1ère session de la chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Sikasso qui a démarré, lundi dernier, se poursuivra jusqu’à vendredi prochain. La session jugera cinq dossiers à savoir un cas de meurtre et quatre cas d’atteinte sexuel (viols et pédophilies)..

Lire aussi : Cadre de concertation avec les Maliens établis à l’Extérieur : Pour renforcer le dialogue, la cohésion et l’unité au sein de la Diaspora malienne

La session inaugurale de deux jours ouverte hier à cet effet se penchera sur les principales préoccupations de nos compatriotes à l’extérieur avec des recommandations pour une meilleure gouvernance migratoire.

Lire aussi : Médiateur de la République : Le crédo de la formation continue

Une trentaine d’agents du Médiateur de la République suivent une formation de perfectionnement en rédaction administrative dispensée par l’École nationale d’administration (ENA). Cette session de cinq jours, présidée par le Médiateur de la République, Mme Sanogo Aminata Mallé, a déb.

Lire aussi : Profession d’architecte : Les architectes de l’espace Uemoa autorisés à exercer au Mali avec droit de libre circulation et d’établissement

Dans une vision globale, l’architecture est reconnue comme l’art de concevoir, d’organiser les espaces et les bâtiments. Le texte adopté par l’organe législatif renforcera le niveau de formation dans le domaine, mais aussi son accréditation dans notre pays et l’espace Uemoa.

Lire aussi : Région de Bougouni : L’armée détruit deux bases des groupes terroristes

Les Forces armées maliennes (FAMa) continuent avec abnégation leur mission d’escorte des camions transportant du carburant dans notre pays. C’est ainsi que dans le cadre d'une mission d'appui aérien au profit d'un convoi de carburant sur l'axe Kadiana-Kolondiéba-Bougouni, l' aviation a effec.

Les articles de l'auteur

Cartographie de la fertilité des sols : Un programme régional de 3 ans lancé

Le Programme régional de cartographie de la fertilité des sols en Afrique de l’Ouest a été officiellement lancé, vendredi dernier, dans notre pays par le conseiller technique au ministère de l’Agriculture, Amadou Cheick Traoré, dans les locaux du laboratoire de technologie alimentaire du Centre régional de recherche agronomique de Sotuba..

Par Makan SISSOKO


Publié lundi 15 décembre 2025 à 10:20

Cercle de Diéma : L’armée détruit une base terroriste à Sebabougou

Dans le cadre des opérations de surveillance du territoire menées le 9 décembre 2025, des vecteurs aériens des Forces armées maliennes (FAMa) ont, dans la matinée, neutralisé un pick-up camouflé sous un couvert végétal et contenant des fûts d’essence dans la localité de Sebabougou, Cercle de Diéma, Région de Nioro..

Par Makan SISSOKO


Publié mercredi 10 décembre 2025 à 14:38

Microfinance : Les superviseurs formés à l’outil cameli

Le Projet de promotion de l’accès au financement, de l’entrepreneuriat et de l’emploi au Mali (Pafeem) a organisé hier, dans un hôtel de la capitale, une session de formation des agents de la direction de la microfinance sur l’outil Cameli..

Par Makan SISSOKO


Publié mercredi 10 décembre 2025 à 08:19

AES : L'Organisation condamne la violation de l'espace aérien confédéral par un avion militaire nigérian

-.

Par Makan SISSOKO


Publié lundi 08 décembre 2025 à 21:35

Environnement : 143.433 foyers de feux de brousse au Mali entre 2016 et 2023

Ces feux de brousse ont dévasté près de 36 millions d’hectares, soit l’équivalent de plus d’un quart du territoire national. Dans une analyse, le spécialiste en géographie de l’environnement, Dr Adama Sissoko, dresse un état des lieux alarmant.

Par Makan SISSOKO


Publié jeudi 04 décembre 2025 à 13:32

PDZSTA-KB : PLAN et budjet annuels validés

Le Programme de développement de la zone spéciale de transformation agro-industrielle des Régions de Koulikoro et péri-urbaine de Bamako (PDZSTA-KB) a tenu, vendredi dernier, la 6è session de son comité de pilotage dans les locaux du ministère de l’Agriculture. L’ouverture des travaux était présidée par le secrétaire général du département, Garantigui Traoré, en présence du coordonnateur du PDZSTA-KB, Demba Sidibé, ainsi que des membres de l’Unité de gestion du programme..

Par Makan SISSOKO


Publié lundi 01 décembre 2025 à 08:49

Projet «Femmes maliennes mobilisées pour le climat, la paix et la sécurité» : Les conseillers régionaux s’approprient les objectifs

Dans le cadre de la mise en œuvre du projet «Femmes maliennes mobilisées pour le climat, la paix et la sécurité», la Coalition malienne genre, sécurité et changement climatique (Comagesc) a organisé, vendredi dernier dans les locaux de l’antenne de la Coalition à Banankabougou, un atelier d’immersion à l’intention de ses conseillers issus des communes d’intervention du projet, notamment Niono, Siribala, Karaba, Baramandougou, Ségué-Irré et Kendié..

Par Makan SISSOKO


Publié mercredi 26 novembre 2025 à 07:44

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner