Transition : L’équation de la durée

Combien de temps la période transitoire devra-t-elle durer ? La question divise. Les autorités souhaitent se donner le temps de faire des réformes qu’elles jugent indispensables avant d’ouvrir les consultations électorales. Elles s’appuient sur les recommandations des Assises nationales de la refondation pour tenter d’infléchir la position de la Cedeao qui réclame la fin de la Transition à court terme.

Publié mardi 04 janvier 2022 à 07:29
Transition : L’équation de la durée

Une partie de la classe politique estime, de son côté, qu’une transition doit être courte pour laisser le soin à un pouvoir issu des élections d’opérer
les changements profonds. Dans les lignes qui suivent, deux acteurs politiques et un universitaire se prononcent sur la question


Dr Abdoulaye Amadou Sy, président de la Cofop : «CE CHRONOGRAMME EST CELUI QU’A DÉCIDÉ LE PEUPLE MALIEN LORS DES ANR»

Ce chronogramme est celui qu’a décidé le peuple malien lors des ANR. Le gouvernement ne fait que se conformer à ce chronogramme. Il  correspond à la proposition que la Coalition des forces patriotiques (Cofop) avait faite au gouvernement et pendant les Assises. Nous sommes à l’aise de dire que nous sommes d’accord avec ce chronogramme. Nous sommes prêts à soutenir le gouvernement. Nous demandons aussi à la Cedeao et à la communauté internationale de soutenir le gouvernement qui ne fait qu’appliquer, en réalité, les décisions des Assises, c’est-à-dire du peuple malien tout entier. 

Les Assises ont estimé que la Transition doit être prorogée de six mois à cinq ans. Mais, en réalité, la majeure partie des interventions ont porté entre trois et cinq ans. Ces intervenants ont demandé que les autorités actuelles commencent à mettre les choses en place avant les élections. Car, le problème des élections, ce n’est pas seulement prendre le bulletin et le mettre dans l’urne. Mais de permettre aux candidats de sillonner le pays et faire leur campagne. Aujourd’hui, l’Armée du Mali et les forces étrangères qui sont avec nous ne peuvent garantir, de manière absolue, à personne s’il peut faire une campagne dans notre pays.

Les solutions qui sont proposées pour lutter contre l’insécurité sont les meilleures. Il s’agit de renforcer l’Armée de manière à ce qu’elle reprenne le pays en main ; car le Mali ne peut être libéré que par son armée. Nous avons fait appel aux forces étrangères, parce que nous n’étions pas en mesure de régler seuls le problème de la sécurité dans notre pays. Ces Assises ont demandé un renforcement total et entier des moyens et des conditions de l’Armée malienne, pour pouvoir prendre en main tout le pays. Ceci est fondamental.

Dans la situation qui prévaut, les Maliens veulent la paix, l’union, ils condamnent les détournements et les prévarications. Une décision importante a été prise à l’issue des ANR, c’est que pour les crimes économiques, qu’il n’y ait pas de prescription. Parce que jusqu’à présent, au bout de 20 ans, c’est prescrit, même si vous aviez tout pris, vous en devenez propriétaire. Désormais, ce ne sera plus le cas.

Par ailleurs, tout a été pratiquement passé en revue : foncier, mines, vie des paysans, celle des ouvriers, routes, chemins de fer… Nous estimons que ces Assises sont extraordinaires et sont les bienvenues. Il fallait cela, pour que les Maliens se voient, se parlent et se disent la vérité sur le présent et l’avenir de leur pays.

 

Moussa Mara, membre du parti Yelema : «JE SOUHAITE VRAIMENT QUE LE MALI ÉCHAPPE AUX SANCTIONS DE LA CEDEAO»

Ce que les autorités de la Transition ont présenté à la Cedeao, c’est leur compréhension. Et d’ailleurs, la Cedeao même a indiqué que c’est un projet. Ensuite, la Cedeao envoie une mission du médiateur à Bamako pour toujours engager les discussions et essayer d’arriver à un chronogramme consensuel en vue du sommet qui a lieu dimanche prochain.

Les Assises ont présenté une plage. Le gouvernement a préféré choisir la partie haute de la plage pour aller la présenter à la Cedeao. C’est ce que nous disions depuis quelques mois : ce gouvernement a clairement l’intention de proroger le plus longtemps possible la Transition. Cette intention n’a jamais fait défaut. Maintenant, la Cedeao doit réagir par rapport à cela. Seulement, je souhaite vraiment que le Mali échappe aux sanctions de la Cedeao. La situation est suffisamment fragile et grave pour se permettre de subir encore des sanctions, surtout celles économiques et financières.

Donc, que les uns et les autres fassent des efforts pour qu’un chronogramme consensuel entre le Mali et ses partenaires et à l’intérieur du pays soit convenu. C’est le souhait, il faut sortir des qualificatifs, des classements et dire que nous devons nous entendre dans l’intérêt de nous tous. Donc, que des discussions se fassent, et là, il faut que nous demandions à nos partenaires de la Cedeao de faire preuve de compréhension à notre égard. Et d’accepter d’échanger et de voir quel délai raisonnable on peut se fixer tous ensemble. Il s’agira ensuite de nous mettre autour de la Transition pour que ce dernier délai soit respecté et que tous les préalables soient mis en œuvre pour le finaliser. Ce sont des souhaits, j’espère qu’on ira dans ce sens.

Par ailleurs, la plupart des recommandations des Assises nationales de la refondation recoupent celles faites dans le cadre du Dialogue national inclusif. Cela est d’ailleurs tout à fait normal, parce que les mêmes maux nécessitent les mêmes remèdes. Et ce sont généralement les mêmes acteurs qui ont participé à ces exercices. Ils ont simplement proposé les voies et moyens qui leur semblent appropriées pour résoudre des problèmes identifiés. Les problèmes étant les mêmes qu’en 2019.

La différence qu’il faut noter, et que le président du Panel des hautes personnalités m’a indiqué quand je l’ai rencontré, c’est qu’il y aura un dispositif de suivi et de mise en œuvre. Donc, c’est ce dispositif qui va avoir la responsabilité de traduire les recommandations en réformes. Et d’échelonner ces réformes sur une période d’au moins 25 ans, puisque évidemment le redressement durable de notre pays nécessite des changements qui prendront du temps. On ne peut pas les envisager en quelques mois, ou en un an ou deux ans, il faudrait vraiment les étaler dans le temps.

Donc, nous devons tous faire le maximum pour participer à ce travail. Sous réserve que les conditions politiques soient créées, pour que les Maliens se mettent ensemble et se donnent la main. Ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent, il faut le déplorer.

 

Dr Aly Tounkara, enseignant-chercheur : «UN CHRONOGRAMME D’UN AN ME PARAÎT PLUS CONSENSUEL ET RÉALISTE»

 

Le chronogramme soumis aux chefs d’état de la Cedeao sur la base des recommandations formulées à la suite des ANR est, certes, clair mais à la lecture, il pourrait poser deux problèmes majeurs. D’abord, comment convaincre les chefs d’état de la nécessite même de commenter un tel chronogramme qui s’étend sur cinq ans. La temporalité du chronogramme me paraît très problématique. Donc, à ce niveau, les chefs d’état de la Cedeao qui estimeraient que l’élite militaire au pouvoir au Mali entend s’éterniser au pouvoir,  un tel chronogramme pourrait conforter en partie cette hypothèse.

Le deuxième problème que poserait ce chronogramme, c’est comment fédérer la classe politique, la société politique ou la société civile sur la nécessité d’aller avec une période de transition qui va s’étendre sur cinq ans. Objectivement, même la partie de la classe politique qui a pris part aux différentes assises trouverait, à coup sûr, ce chronogramme qui, certes, reste une base de discussions, ambitieux. Or, la période transitoire, comme son nom l’indique, s’appelle le court temps.

Concrètement, comment couper court à la fois aux préoccupations de la Cedeao, de la classe politique malienne et de la société civile ? Il apparaît aujourd’hui urgent pour les autorités de la Transition, afin d’éviter d’être butées à d’autres formes de soulèvements venant de la classe politique, de la société civile ou même des mécontentements au sein de l’appareil étatique, de prioriser davantage les recommandations et de voir celles qui sont réalisables dans un délai d’un an. Et, également de dire concrètement quel pourcentage de territoire aujourd’hui est entre les mains des groupes radicaux violents que l’élite politique entend d’abord récupérer, en vue d’organiser les élections. Un chronogramme d’un an paraitrait plus soutenable et aurait l’avantage d’avoir plus d’adhésion qu’un calendrier, certes, qui reste une base de discussions et qui s’étend sur cinq ans.

Il faut sortir de cet esprit que certains seraient manipulés par l’étranger ou seraient, à la limite, peu patriotes. Un chronogramme de cinq ans est difficilement consommable même si on succombe au charme du patriotisme et on est partisan de la Transition. Cinq ans apparaissent aux yeux des observateurs comme un chronogramme qui pourrait difficilement obtenir le consensus dont il a besoin.

Donc, il est urgent que l’élite politique au pouvoir comprenne ces deux défis : comment d’abord faire adhérer une bonne partie des Maliens à ce chronogramme tout en se posant des questions. Est-ce que dans la durée, n’est-il pas possible de se heurter à la résistance des mentalités qui pourraient se manifester de façon brutale ? Aussi, l’élite politique au pouvoir doit avoir à l’esprit en permanence qu’on ne peut pas évoluer en solo. On n’a beau été bien intentionné, il est aussi de notre responsabilité quand on est gouvernement de faire en sorte que nos différents engagements soient respectés. De garder à l’esprit que ces engagements nous sont étiquetés. De ce fait, un chronogramme d’un an me paraît plus consensuel et réaliste. Au-delà, les autres hypothèses qui pourraient être émises çà et là ne sont pas à rejeter.

Par ailleurs, la phase finale des Assises nationales de la refondation a permis de revenir sur les différentes recommandations qui ont été formulées par les Maliens de l’intérieur et de la diaspora. Des questions majeures méritent d’être posées au terme de ces Assises : comment les différentes recommandations formulées par les Maliens vont-elles être concrètement mises en application ? C’est vrai que les Assises ne sont pas des endroits appropriés pour faire ce travail technique, lequel demande pas mal d’ingéniosité. Mais quand on regarde les assises antérieures, cette question de comment opérationnaliser ces recommandations demeure légitime.

Ces différents chantiers ouverts par les Maliens, qui ont pris part aux différentes assises, seront-ils bâtis sous la transition ou dans cinq, dix ans ? Par exemple, les réformes institutionnelles, administratives amorcées prendront du temps. Ces réformes vont-elles être engagées par les autorités de la Transition ou par celles issues des élections ? De la même manière, est-il opportun aujourd’hui d’ouvrir un dialogue avec la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), la Plateforme et la communauté internationale en vue de relire l’Accord pour la paix et la réconciliation ? Cela, quand on sait que, d’emblée, la CMA s’est toujours opposée à une quelconque relecture de l’Accord. La question de la création du Sénat ou de la Cour des comptes ne font pas non plus l’unanimité. Ce sont des questions qu’il faut clairement trancher.  

Les différentes recommandations sont, sans équivoque, pertinentes, mais elles souffrent de cette non précision temporelle. La non précision temporelle fait de ces recommandations similaires à celles issues de la Conférence d’entente nationale de 2017, à celles également formulées à la suite du Dialogue national inclusif.

Il est urgent aujourd’hui qu’on sache déjà l’horizon fixé par la Transition. C’est partant de là qu’on peut mesurer quels sont les changements qui peuvent être opérés dans l’intervalle déterminée à cet effet. Une fois que la durée de la Transition est connue, il est plus qu’urgent que les autorités en place décident clairement d’afficher un tableau à partir duquel les Maliens peuvent lire les temporalités qui sont assignées aux différentes recommandations. De là, effectivement on peut dire que ces conclusions ont été utiles pour le pays et pour les Maliens.

Propos recueillis parMassa SIDIBÉ et                                      

Mariétou KOITÉ

Rédaction Lessor

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