El Hadj Adama Issa Sacko : «J’ai remarqué que la culture Khassonké est en voie de disparition»

L’écrivain traditionnaliste, à travers son livre, intitulé : «Le Khasso traditionnel : coutumes et mœurs», lancé le 17 juillet dernier, met en lumière les repères culturels de cet espace linguistique dont il est le «Djeli», de par la bataille de Tumbifara. Dans cet ouvrage de 162 pages, El Hadj Adama Issa Sacko de Kayes fait revivre le Khasso dans son entièreté pour qu’il ne tombe dans l’oubli

Publié vendredi 21 novembre 2025 à 10:08
El Hadj Adama Issa Sacko : «J’ai remarqué que  la culture Khassonké est en voie de disparition»

L’Essor : Présentez-vous à nos lecteurs ?

El Hadj Adama Issa Sacko : Je suis Sacko, de père, je suis aussi Kouyaté parce que ma mère est Kouyaté de Kéla, de la grande famille Kouyaté. Je suis de la lignée de Ségué Tabaly Sacko et de Djéli Kélétigui Wali Sacko. Je suis djéli, je n’aime pas le mot griot, parce que c’est une déformation, je suis djéli de père en fils. Mon père fut chef djéli du Khasso. Ma connaissance de l’histoire du Khasso, c’est grâce aux différents festivals que j’ai organisés.  Huit au total, où j’ai regroupé le Khasso. C’est avec ce grand courage que j’ai travaillé pendant plus de 30 ans. Dieu merci, pour valoir ce que je suis maintenant, président de l’Association des «Nyamakala» de Kayes «Maya ni Dambé», ancien président du Réseau des communicateurs traditionnels  pour le développement (Recotrade) de Kayes. Je suis également président de l’Association culturelle donko de Kayes, qui s’apprête à organiser la 9è édition du festival en mai 2026.

L’Essor : Quelles sont les raisons qui vous ont amené à écrire sur la tradition Khassonké?

El Hadj Adama Issa Sacko : Pendant toutes ces activités, j’ai remarqué que la culture Khassonké est en voie de disparition. De festival en festival, on sent que c’est en régression. C’est d’autres ethnies, tels que le Soninké et le Malinké qui ont plus l’ascendance sur le monde culturel Khassonké. Donc, je suis Soninke d’origine, mais Khassonké pur sang. Mes ancêtres ont participé à la bataille de Tumbifara, qui a libéré le Khasso. Donc, je voyais en moi un missionnaire pour faire revivre la culture Khassonké. C’est ce qui m’a poussé à aller vers la culture. Et ça fait à peine une dizaine d’années que j’avais l’intention de faire ce livre. Malheureusement, je n’avais ni moyens, ni partenaires pour aller au bout de mon ambition. Et finalement, ce sont mes enfants qui ont mis la main à la poche, avec quelques proches, pour réaliser ce livre. C’est le lieu de leur rendre hommage pour ce soutien précieux à la sauvegarde de la culture Khassonké.

L’Essor : Pouvez-vous nous parler des us et coutumes, contenus dans votre œuvre, et qui valorisent le Khasso ?

El Hadj Adama Issa Sacko : Il y a d’abord la position géographique du Khasso. Il y a les reliefs, la géographie. Le cours d’eau, l’étendue où le Khasso commence, où ça se termine. Ses limites avec les autres peuples. En dehors de ça, il y a le mariage Khasonké, qui est inclusif. Il y a les instruments de musique traditionnels. Il y a le «djéliya», au Khasso. C’est des choses très importantes dans la culture du Khassonké. Et il y a aussi la fameuse bataille de Tumbifara. En plus de cela, l’on retient l’histoire de Mali Sadio. Et je défie quiconque par rapport à cette histoire et devant n’importe quelle conférence pour défendre les thèses que j’ai mises dans ce livre. Je dirai que je suis descendant de ceux qui ont possédé l’histoire de Mali Sadio. Qui sont castes, qui ne le sont pas. J’ai ajouté aussi, dans ma recherche, les grandes dates du Khasso. 

Le Khasso, c'est quatre «bundas», chefferies, contrées. Je répète, «bunda nani» : «Almamiya, Safreya, Dembaya et Guimbaya». En dehors de ces contrées, il y a l’air culturel Khasonké qui s’étend aussi à dix royaumes. Ce qui fait que si l’on peut compter l’air culturel Khasonké, aujourd’hui, on peut le considérer comme quatorze royaumes qui ont existé avec leurs  dates, faits et leurs descendants. Tout est dans le livre que j’ai écrit. Sans oublier les tresses traditionnelles du Khasso. Il y a des tresses qui sont en voie de disparition. Donc, parmi ces coiffures, j’ai retenu sept. Partout où l’on va dans le Khasso, il y a ces tresses. «Tounto», ce sont les jeunes filles de 8 à 12 ans qui portent cette coiffure. Puis, le «Lambe lin kouwo», c’est le passage de la jeune fille à la vie de femme.

C’est à partir de là, qu’on peut même demander sa main. Et là, il n’y a pas question de caste, c’est une question de groupe d’âge. C’est après qu’il y a la fameuse tresse, le «Dégétemere». Une tresse très enviée et qui a même fait l’objet de la couverture du livre. «Mayo kouwo», c’est-à-dire la tresse pendant la noce du mariage. Il y a «Djibato kouwo», c’est-à-dire la tresse après l’accouchement de la femme. Après, il y a le «Touru nano», c’est la tresse des femmes qui ont dépassé l’âge du mariage, mais qui n’ont pas atteint le troisième âge. Mais, les femmes du troisième âge peuvent porter. Et la dernière tresse, c’est la tresse du veuvage.

L’Essor : Parmi ces us et coutumes, lesquels vous ont marqué ?

El Hadj Adama Issa Sacko : Ce qui m’a le plus marqué, dans tout ce que j’ai écrit, c’est l’histoire de Mali Sadio. Impressionnant. Pour celui qui ne connaît pas l’histoire de Mali Sadio, on s’hasarde à parler de beaucoup de choses. Comme je l’ai dit, l’histoire de Mali Sadio appartient aux «Sacko djéli». Quand on les intronisait à Bafoulabé, dans le Guimbaya, on leur donnait le pouvoir d’empêcher les hippopotames de nuire. Et quand l’animal est venu, vu ses caractéristiques, la population a dit «Ah, Mali Sadio est né !». Sadio, dans la culture Khassonké, signifie l’enfant qui est né après des jumeaux. Donc, son nom est venu de là. Un animal qui a été adopté par la population. Malheureusement, il a été encore tué par un chasseur étranger, Mamadou Bello Diallo qui ne le connaissait pas. Et c’est ce même chasseur qui est allé annoncer son forfait au village. Ce dernier a fait quelque chose qu’il va regretter durant toute sa vie. C’est là qu’est venue la chanson que l’on peut considérer comme l’hymne du Khasso.

À l’époque, il y avait le commandant «Sauvage» qui était le représentant du Haut-Soudan-Sénégal à Bafoulabé. Quand la population a voulu lapider le chasseur, le commandant a rappelé qu’il a droit à une justice. On l’a jugé, on l’a libéré, on lui a interdit de séjour dans toute la contrée de Bafoulabé.  C’est comme ça que Mamadou Bello Diallo est parti. Comment un «Toubab», un administrateur, un colon, peut tuer un animal amoureux de la population ? Non. Imaginez-vous un administrateur qui tue un animal emblématique, amoureux de la population, qui était admiré par tout le monde. Est-ce que ce commandant allait avoir encore l’amour de cette population ? Non. Cela  veut dire que ça n’a pas été tué par ce monsieur. C’était lui qui était, certes, commandant à Bafoulabé, mais il n’a pas tué Mali Sadio. Je le dis, je le répète et je le maintiens. J’ai des preuves à l’appui.

L’Essor : Est-ce qu’avec la publication de ce livre, vous contribuez à donner un sens à la décision du Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta, de faire de 2025, l’Année de la culture au Mali ?

 El Hadj Adama Issa Sacko : Je dirai félicitations au Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta. Encore merci à lui de prouver qu’il aime ce pays. Parce qu’il a dit, c’est ma compréhension, retournons à nos valeurs, prenons-les et travaillons en nous inspirant d’elles. Mon souhait, le plus ardent est que le Chef de l’État Assimi Goïta parvienne personnellement à décorer ceux qui ont lutté pendant des années pour conserver nos valeurs culturelles. Que ce ne soit pas seulement ceux de Bamako qui en bénéficient. Il y en a beaucoup, si la culture est restée à présent, c’est parce que ceux qui sont restés dans les régions, dans les villages, ont continué à œuvrer par leurs moyens, à restaurer, à réhabiliter cette culture. Donc, c’est un cri du cœur que j’ai fait envers tous les hommes de culture.

Le Khasso est fondé en 1681 après la bataille de Tumbifara qui a durée pendant 4 longues années. Donc, c’est un royaume  qu’on est en train d’oublier. Dans nos grandes rencontres, les chefs parlent des rois, mais n’évoquent aucun roi du Khasso. Le premier roi s’appelait Séga Doua Diallo. C’est en 1681. Et là, on n’en parle jamais. Pour moi, c’est une contribution pour tout le peuple du Mali, que tu sois historien ou chercheur. C'est ma vision en tant que traditionnaliste.

Interview réalisée par Namory KOUYATÉ

Namory KOUYATE

Lire aussi : Festival «Chant des Linguère» : Les reines des femmes à l’honneur

Dix «Linguère»ont été distinguées pour leur engagement. Parmi elles, le maire de la Commune III, Mme Djiré Mariam Diallo et Aïcha Baba Keïta de l’ORTM.

Lire aussi : Une soirée pour célébrer l’engagement féminin

La star sénégalaise, l'artiste musicienne Coumba Gawlo Seck a animé, jeudi dernier au Centre international de conférences de Bamako (CICB), une conférence pour le lancement de la 2è édition du Festival international Chant des Linguère, tenue du 10 au 12 décembre dans la capitale malienne .

Lire aussi : Biennale Tombouctou 2025 : Les préparatifs de la troupe régionale de Mopti vont bon train

Les préparatifs de la troupe régionale de Mopti pour la phase nationale de la Biennale artistique et culturelle Tombouctou 2025 vont bon train, a pu le constater, lundi dernier, le gouverneur de la Région, le Général de brigade Daouda Dembélé lors d’une visite à la troupe..

Lire aussi : Artisanat : L’APCMM et la chambre d’artisanat de Rabat Salé Kéntir scellent un partenariat

-.

Lire aussi : Incubateur talents ITM «Maliden Kura» : De jeunes leaders culturels connectés à leurs racines et tournés vers l’avenir

La phase II de la formation «Incubateur des talents ITM Maliden Kura» a pris fin, jeudi dernier dans un hôtel de la place. La cérémonie de clôture était présidée par le ministre de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme, Mamou Daffé, en présence des for.

Lire aussi : Siama : Les ministres Mamou Daffé et Oumou Sall Seck proposent des pistes pour développer le secteur de l’artisanat

Les deux panelistes ont indiqué que l’artisanat et l’entrepreneuriat, deux secteurs complémentaires, sont des moteurs essentiels de la transformation économique au Sahel.

Les articles de l'auteur

Abdoul Niang Journaliste, analyste politique et influenceur sur les réseaux sociaux : «L’ESSOR et L’ORTM gardent encore une place essentielle dans la communication d’État, la diffusion des politiques publiques et la valorisation des institutions»

Pour Abdoul Niang, il est évident pour tout le monde que ces deux médias publics ont marqué leur époque. L’ORTM est la principale source d’information audiovisuelle au Mali depuis plusieurs décennies. Quant à l’Essor, en tant que journal d’État, il est la référence écrite officielle pour l’information institutionnelle..

Par Namory KOUYATE


Publié vendredi 12 décembre 2025 à 09:32

Médias publics : Regards croisés sur l’héritage et les défis actuels de l’Essor et de l’Ortm

Dans les lignes qui suivent, nos deux interlocuteurs se sont prononcés sur les rôles de l’Essor et de l’ORTM dans l’ancrage institutionnel de notre pays, leur adaptation à l’évolution numérique, les défis et la contre-attaque dans le cadre de la guerre informationnelle.

Par Namory KOUYATE


Publié vendredi 12 décembre 2025 à 08:57

Cérémonie de décorations à Koulouba : Djandjo aux soldats du pétrole

La médaille de l’Étoile d’argent du mérite national avec effigie «Lion débout» a été décernée à 31 chauffeurs blessés. Tandis que 17 opérateurs pétroliers et responsables syndicaux ont été faits Chevalier de l’Ordre national du Mali. La cérémonie de remise des distinctions s’est déroulée, vendredi dernier, au palais de Koulouba sous la présidence du Président Assimi Goïta.

Par Namory KOUYATE


Publié lundi 08 décembre 2025 à 07:45

Gestion de la crise des hydrocarbures : La reconnaissance du mérite de 75 personnes

Le Président de la Transition, Grand maître des ordres nationaux, le Général d'armée Assimi Goïta a décidé de matérialiser la reconnaissance du peuple malien par l'attribution de décorations aux opérateurs pétroliers, responsables syndicaux, chauffeurs ayant accompagné l'Etat dans la gestion de la crise des hydrocarbures..

Par Namory KOUYATE


Publié samedi 06 décembre 2025 à 09:44

Redevances annuelles des sociétés minières : La part de l’État malien passe de 201 à 358 milliards de Fcfa

Cette prouesse financière est le résultat du travail acharné mené par la Commission de négociation et de renégociation mise en place par les autorités. Celle-ci a présenté hier son rapport de fin de mission au Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta.

Par Namory KOUYATE


Publié mardi 02 décembre 2025 à 10:14

Clin d’œil sur Idrissa Tiama, major de la 47è promotion de l’Emia

Le major de la 47è promotion (2023-2025) de l’Ecole militaire interarmes (Emia) de Koulikoro s’appelle Idrissa Tiama de nationalité malienne. Il s’est classé premier avec une moyenne de 16 /20 devant ses camarades de différentes nationalités. Le fils de Diakaria et de Maïmouna Tiama est né le 7 février 1996 à San..

Par Namory KOUYATE


Publié lundi 01 décembre 2025 à 08:32

Qui est feu général pangassy sangaré ?

Les 343 officiers d’active de la 47è promotion de l’École militaire interarmes (Emia) de Koulikoro peuvent être fiers du parcours exemplaire de leur parrain au sein de l’Armée malienne. Feu Général de brigade Pangassy Sangaré, puisqu’il s’agit de lui, nait le 11 juin 1947 à Kati. Il entame son parcours à l’école militaire préparatoire de Saint-Louis entre 1959 et 1961..

Par Namory KOUYATE


Publié lundi 01 décembre 2025 à 08:30

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner