Mali, Cuisine: Le «Kounan», un récipient en bois aux multiples vertus

L’utilisation de ce vase traditionnel peut permettre de vivre longtemps et en bonne santé. Et de consolider les liens fraternels, la cohésion familiale, selon certaines croyances

Publié vendredi 24 novembre 2023 à 07:15
Mali, Cuisine: Le «Kounan», un récipient en bois aux multiples vertus

 Le fait de partager le repas dans le même «kunan» consolide les liens familiaux et amène la paix et la tranquillité

 

En matière de cuisine, il y a des pratiques traditionnelles qui méritent d’être connues de la population, particulièrement de la gent féminine. L’usage des récipients en bois pour contenir les mets en est une. Le «Kounan» ou tasse en bois a connu une grande notoriété chez les bambaras, peulhs et dogons.

Aujourd’hui, cette tradition culinaire disparaît des foyers. Quelques  rares cuisinières gardent l’habitude. Mme Guindo Aminata Soumah utilise ce récipient qu’elle appelle en dogon  «bagnan» ou tasse. Elle explique que le nom de la ville de Bandiagara (grande tasse) dérive de ce vocable. L’habitante de Daoudabougou en Commune V du District de Bamako affirme que lors de son mariage, sa grand-mère lui a offert un «kounan». «Parfois, je mange dans le «kounan» après je le lave proprement et le mets sous le soleil afin qu’il sèche», confie la jeune dame sans emploi.

Mme Diabaté Aïché Koné est originaire de la Région de Ségou. Elle témoigne que son père mangeait tous les jours dans le «kounan» jusqu’à son décès. De ce fait, dit-elle, son utilisation est devenue une tradition dans sa famille. Quant à Aissata Kansaye, elle précise que ce récipient en bois est fortement utilisé à Koro dans la Région de Mopti, surtout dans les villages. Lors des mariages, indique-t-elle, le «kounan» est mis dans le trousseau de la jeune mariée. L’originaire de Koro soutient que le fait de partager le repas dans le même «kounan» consolide les liens familiaux et amène la paix aussi bien que la tranquillité.

Aux environs de 8 heures, le Grand marché de Bamako est déjà rempli de monde. Un mélange de bruits anime les lieux.  Des voix appellent les clients. Des véhicules klaxonnent pour se frayer un chemin. Au niveau de la place dite «Artisanat», Madou Konaté communément appelé Konan expose à l’entrée de son atelier des articles en bois : tasses, bols, assiettes, fourchettes, cuillères. Le vendeur de bois d’ébène confectionne ses produits par commande. L’artisan dit avoir hérité ce métier de son père. 

Selon lui, les femmes s’intéressent de plus en plus à la tasse en bois «kounan», dont le prix moyen est de 10.000 Fcfa. Madou Konaté explique qu’auparavant, nos compatriotes mangeaient dans les tasses en bois ou en banco à cause de ces multiples vertus. Il argumente que la consommation de la nourriture dans ces récipients permet de soigner l’homme, car l’arbre même est un médicament. Le sculpteur renchérit que l’utilisation de ces ustensiles artisanales peut aussi donner une longue vie à l’homme «car lorsqu’on est en bonne santé, on peut vivre longtemps».  Il soutient que ces pratiques ont permis à nos ancêtres de vivre plus de 100 ans et en bonne santé. «Certains de mes clients me confient souvent que leurs médecins traitants leur ordonnent de manger dans une tasse en bois pour préserver leur santé», confie l’artisan. Madou Konaté demande aux jeunes femmes de chercher à connaître nos traditions et de les appliquer car nos ancêtres ne faisaient rien sans raison valable.

Aboubacar Bah, sexagénaire résidant à Missabougou, rappelle que le «kounan» est un ustensile de cuisine que nos aïeux utilisaient dans les tâches ménagères. Il précise que ce récipient est confectionné à partir de l’arbre  (guélé) en langue bambara. À l’en croire, cet objet est généralement  fabriqué par les Dicko, les Thiam de Nioro, les maures forgerons et certains tamasheqs. Le vieil homme décide d’aller au fond de son savoir.  «Le bois est placé dans l’eau afin qu’il soit complètement humide. Ensuite, les forgerons enlèvent la partie blanche et creusent la partie noire jusqu’à ce que l’objet ait  une forme ronde. Ils garnissent l’extérieur du récipient avec de petites gravures. Puis, les forgerons mettent de l’huile au fond du récipient. Toute chose qui facilitera son bon usage », enseigne le sexagénaire.

 

VERTUS THÉRAPEUTIQUES- Selon le sexagénaire, certaines familles préservent jalousement ce bien traditionnel.   «Les peulhs s’en servent pour y mettre les repas et traire les vaches», a-t-il témoigné. Aboubacar Bah assure que le bois est une source d’énergie et de paix. Et de regretter l’abandon par la majorité de la population de nos valeurs traditionnelles. Il souhaite que l’État revalorise cet héritage ancestral.

Moussa Diabaté, musicien, fait l’historique du «kounan». Selon lui, tout est parti des constats faits par nos aïeux sur les vertus thérapeutiques des arbres et du besoin de trouver une alternative à la fragilité de la calebasse. « Ils ont fait recours aux arbres afin de s’en servir pour fabriquer des objets en bois dur, d’où l’histoire de kounan», raconte l’artiste. En plus de Guélé, cite-t-il, les forgerons utilisent d’autres arbres tels que Gueni, Léngué et Djè dans la fabrication de kounan. Selon lui, ces arbres existent dans les localités de Sikasso, Koutiala, Kita et Kayes. Et de signaler que tous ces arbres sont connus pour leurs vertus thérapeutiques dans le traitement de certaines maladies du ventre et autres organes.

«Lors d’un de mes voyages récents à Ségou, j’ai eu la chance de manger dans le «kounan» chez une tante»,  témoigne Moussa Diabaté avant d’expliquer que chaque fois qu’on met de la nourriture chaude dans le récipient en bois, l’aliment absorbe les substances thérapeutiques (les vertus) qui se trouvent dans le bois. Le musicien informe que cela permettra de soigner les personnes qui mangent dans ce contenant. Selon ses précisions, les Occidentaux se servent beaucoup des ustensiles confectionnés à base du bois. Tout ceci démontre la valeur du bois, insiste-t-il avant de dénoncer l’abandon de nos anciennes pratiques au profit des valeurs d’autrui. Un comportement, dit-il,  qui a des répercussions sur notre santé.

Boucari Monrogoye témoigne que les dogons ont du respect pour le «kounan», car justifie-t-il, il représente l’image du chef de famille.  Il affirme que ce dernier est le premier responsable à s’occuper de ce récipient traditionnel. C’est pourquoi, fait-il savoir,  personne n’a le droit d’en acheter dans la famille, à part lui.  Pour y arriver, il fait d’énormes sacrifices. «Avant de se rendre chez  les fabricants (sèguèn) en langue dogon, le chef de famille va d’abord vendre un de ses moutons ou du mil pour couvrir les frais d’achat du récipient», souligne Boucari Monrogoye, indiquant que le chef de famille achète deux «kounan», voire plus quand la famille compte un nombre de convives très élevé.

L’un est destiné aux hommes, précise-t-il, l’autre aux femmes et aux enfants. Le quinquagénaire explique que l’utilisation de cet objet faisait que l’entente régnait au sein de nos familles. Il relève que plus de 10 à 15 jeunes garçons pouvaient manger dans le même kounan. Il poursuit que les familles qui possèdent ce récipient resteront unies dans la paix et la cohésion.

Consommer un aliment dans un récipient en bois est avantageux, car il n’est pas toxique, explique Diko Sow Cissé, nutritionniste à la sous-direction de nutrition se la direction générale de la santé et de l’hygiène publique. Ces objets, souligne-t-elle, sont constitués de matières naturelles, comestibles et faciles à digérer par l’estomac contrairement aux ustensiles plastiques qui sont composés de subsistance chimique.

Le bois est un antibactérienne de choix, car des études ont montré que les bactéries n’ont pas a latitude de se multiplier dans le bois, contrairement au plastique, détaille l’experte. Le bois est aussi respectueux de l’environnement, parce qu’il est biodégradable et on peut le garder aussi longtemps que possible, ce qui n’est pas le cas pour les plastiques. Le bois est également hygiénique. «Tous ces avantages font que le bois est fortement recommandé, mais il est peu utilisé à cause de sa cherté», soutient notre nutritionniste. Elle trouve que consommer dans un ustensile de bois, la calebasse par exemple, donne plus de gout contrairement aux autres récipients. Elle affirme que ce sont des objets ancestraux qui méritent d’être valorisés.

Fatoumata  TRAORÉ

Rédaction Lessor

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