Femmes barbues : Le dur regard de la société

Si certaines dames assument leur pilosité faciale, d’autres en souffrent et implorent la compréhension des personnes qui les stigmatisent et les méprisent en les abreuvant de propos moqueurs et rageurs

Publié mercredi 13 septembre 2023 à 05:19
Femmes barbues : Le dur regard de la société

Voir un homme avec la barbe n’étonne point personne, mais voir une femme barbue ne peut laisser personne indifférent. En réalité, une femme avec la barbe est le fruit d’un phénomène hormonal appelé «l’hirsutisme». Les médecins expliquent cela comme la résultante d’une production élevée de testostérone chez la femme. Cette production excessive peut être d’origine génétique ou due à la prise excessive d’hormones ou de certains médicaments

Selon le médecin Adama Diarra du Centre de santé de référence de la Commune III du District de Bamako (Csref), l’hirsutisme autrement dit hyperpilosité provoque la poussée et la présence des poils sur le menton de femmes.


«C’est un phénomène relativement courant qui touche entre 5 et 15% des femmes au Mali. L’hirsutisme se caractérise par des poils épais et drus chez la femme sur des zones où les poils sont normalement minimes ou inexistants. À savoir, le visage, le cou, la poitrine, le dos, les épaules et le ventre», explique le spécialiste. Il précise, par ailleurs, que l’hirsutisme apparaît le plus souvent lors de la puberté, mais peut également survenir plus tard dans la vie d’une femme.

Ce développement des poils peut être plus ou moins visible. Les cas d’hirsutisme sévère sont rares. «En règle générale, l’hirsutisme est provoqué par une production excessive d’hormones masculines (les hormones dites androgènes, telle que la testostérone», précise le médecin du Centre de référence de la Commune III. Et de poursuivre que cela peut arriver durant la ménopause.

Certaines femmes constatent l’apparition de poils sur leur corps (notamment sur le menton et  une moustache bien visible) durant cette période. Le toubib estime également que l’utilisation d’un contraceptif hormonal peut avoir cet effet indésirable. Par ailleurs, complète le spécialiste, l’obésité augmente le risque d’hirsutisme, car elle renforce la résistance à l’insuline, ce qui entraîne un excès de production d’hormones androgènes chez les femmes obèses.

Le médecin Adama Diarra apporte la précision que lorsque l’hirsutisme atteint un stade avancé, ce phénomène appelé aussi «hyperandrogénie», peut provoquer d’autres signes de masculinisation du corps féminin. Dans ce cas de figure apparaissent des troubles cutanés (acné et production excessive de sébum), des troubles des règles et de l’ovulation, la calvitie, le développement de la musculature et d’une voix grave, l’atrophie du clitoris…


On parle alors de virilisme. En cas d’hirsutisme, un bilan hormonal est généralement recommandé. L’hirsutisme est souvent héréditaire et les antécédents familiaux sont l’une des premières pistes vers lesquelles se tourne le diagnostic médical. Plus généralement, nous conseillons à ces femmes de venir aux centres de santé en vue de faire des examens et essayer de voir si nous pouvons trouver une solution à leur problème, conclut le médecin.   

 

SITUATION INCONFORTABLE- Voir une femme porter une barbe est une chose surprenante, inhabituelle, qui pousse la société à avoir un regard différent de celui qu’on a envers les femmes sans barbe. Généralement, ces femmes à barbe sont souvent victimes de moqueries, de stigmatisations et de préjugés. Leur visage qui s’apparente à celui d’un homme fait que beaucoup de personnes leur attribuent la mentalité des hommes.


«Les femmes à barbe sont de nature dures de caractère, teigneuses et parfois violentes comme les hommes», caricature Adjo Dembélé, une ménagère. Elle renchérit en ces termes : «Ces femmes sont souvent traitées de méchantes. C’est pourquoi, dans nos villages, les femmes à barbe sont traitées pour la plupart comme des sorcières, car il est inadmissible qu’une femme porte la barbe comme un homme.» En Afrique, toutes les situations inhabituelles s’expliquent de façon terne comme de la sorcellerie.

Richard Kamaté, pompiste dans une station d’essence au Quartier du fleuve dit être moins attiré par les femmes à barbe. «Le premier aspect qui attire les hommes plus précisément moi, c’est la beauté qui inclut la douceur au toucher de la peau du visage au pied qui doit être lisse débarrassé de tout obstacle. Je ne peux pas partager mon lit avec une femme barbue. Deux barbes sur un même lit, ce n’est pas possible», confie-t-il. Assanatou Camara, secrétaire de direction, est du même avis.

Elle déclare avec une mine de dégoût : «Ces femmes sont différentes de nous autres. Je me demande comment elles font pour vivre avec leur homme. J’ai de la pitié pour elles. J’ai l’habitude de voir certaines au salon de coiffure pour les épilations et elles déboursent beaucoup d’argent pour se soigner et être coquettes. Mais il faut attendre quelques semaines seulement, tu les reverras avec leur barbe encore. Je leur conseille d’aller consulter un médecin le plus tôt afin de détruire la racine de leurs poils», conseille la jeune dame.

L’ampleur de ces préjugés est telle que les femmes à barbe se sentent dans une situation d’inconfort. De fait, il est souvent impossible pour une femme barbue de passer inaperçue dans la rue. Des regards sont posés sur elles de différentes manières. Frustrations, humiliations, vexations… sont ces situations qu’elles subissent. «Nous souffrons dans notre être», témoigne Arama Sanogo, une femme à barbe.


«C’est depuis ma vingtaine que j’ai commencé à voir pousser ma barbe. J’ai vécu l’enfer car j’ai été un sujet de moquerie par mes camarades d’école et mes proches. J’étais surnommée la fille barbue. Et ce sobriquet m’est collé jusqu’aujourd’hui», dit-elle. Mais avec le temps et la maturité d’esprit aidant, Arama Sanogo a pu surmonter ce regard d’enfer et se sent bien dans sa peau aujourd’hui.

 

BRISER LE TABOU- Comme Arama Sanogo, Aïcha Kanté, a fait le buzz sur les réseaux sociaux au mois de mars dernier en affichant ouvertement sa barbe. Elle est l’une des rares femmes au Mali qui a accepté de garder sa barbe pour faire face aux préjugés. Malgré ses efforts visant à surmonter les quolibets et les railleries, elle demeure la cible de plaisanteries  de mauvais goût. Cependant, elle n’en démord pas. Loin s’en faut. La demoiselle Kanté (29 ans) est une jeune dame normale qui essaie de vivre sa vie sans le regard des gens sur sa personne. Cette jeune commerçante est hirsute.

C’est pour briser ce préjugé sur les femmes barbues qu’Aïcha Kanté a décidé de garder sa barbe. «À l’adolescence, j’ai constaté que ma barbe poussait comme celle des hommes. Au début, je me rasais régulièrement pour qu’elle ne pousse pas parce que cela est très mal vu dans notre société. Une femme avec la barbe est perçue dans notre société comme une malédiction.

Avant d’accepter de vivre avec la barbe, j’ai été la cible de moqueries souvent nauséabondes dans ma vie quotidienne», dénonce la jeune dame. Avant d’ajouter  être dépitée que certaines personnes pensent toujours que je fais exprès pour attirer les regards des gens sur moi et d’autres pensent que je suis un homme qui essaie de se transformer en femme. «Peu de personnes comprennent le calvaire que je vis. D’autres me réconfortent en disant que c’est un fait de Dieu si je porte la barbe», dit-elle.

Pourquoi a-t-elle décidé de garder sa barbe comme les hommes ? «Après réflexion, j’ai décidé de garder cette barbe parce que je me plaisais avec ce portrait du visage et les membres de ma famille m’ont accompagné dans ce sens. Ils m’aiment comme je suis. Il y a beaucoup de femmes barbues qui ont peur de la garder à cause du regard de la société sur leur personne. Et elles souffrent de ce problème parce qu’elles n’arrivent pas à avoir un époux.


Les hommes ont très peur des femmes barbues. Aujourd’hui, mon combat est de faire en sorte que les femmes barbues puissent être acceptées dans la société», plaide la jeune décomplexée barbue. Elle invite la population à ne pas les stigmatiser et à les accepter comme des êtres normaux même si leur apparence faciale en impose une autre image !

N’est-ce pas que la beauté de la vie réside dans la diversité des êtres qui la composent avec leurs handicaps? En effet, nul ne mérite d’être rejeté ou stigmatisé à cause de sa difformité physique.

Djeneba BAGAYOGO

Lire aussi : Tombouctou : Les communautés pleurent la perte de l'imam de la grande mosquée de Djingareyber

De son vrai nom Abdrahmane Ben Esaayouti, le grand imam a tiré sa révérence ce mercredi 10 decembre 2025. Il a été accompagné à sa dernière demeure par une foule nombreuse de fidèles, d'amis et de parents..

Lire aussi : Fonction publique d'État : Le recrutement de 926 agents contractuels lancé

Les autorités de la Transition ont décidé de combler au niveau de la Fonction publique d'État les insuffisances en termes de personnel de l'administration relevant du Code du travail..

Lire aussi : Abdoul Niang Journaliste, analyste politique et influenceur sur les réseaux sociaux : «L’ESSOR et L’ORTM gardent encore une place essentielle dans la communication d’État, la diffusion des politiques publiques et la valorisation des institutions»

Pour Abdoul Niang, il est évident pour tout le monde que ces deux médias publics ont marqué leur époque. L’ORTM est la principale source d’information audiovisuelle au Mali depuis plusieurs décennies. Quant à l’Essor, en tant que journal d’État, il est la référence écrite officiell.

Lire aussi : Kayes : La lutte contre le Sida ne faiblit pas

Le VIH/Sida représente un réel problème de santé publique à l’échelle planétaire.

Lire aussi : Sikasso : Réformes politiques, institutionnelles et électorales au cœur d’une rencontre

-.

Lire aussi : Université publique de Gao : Le ministre Kansaye entend accélérer son opérationnalisation

Dans le cadre de l’opérationnalisation effective de l’Université publique de Gao, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Pr Bouréma Kansaye a entamé, le week-end dernier, une visite dans la Cité des Askia qu’il bouclera aujourd’hui. Il est accompagn.

Les articles de l'auteur

Championnat professionnel Ligue1 Orange : Le «CLASICO» Stade malien-Djoliba promet du spectacle

L’affiche la plus attendue de la 4è journée du championnat professionnel Ligue1 Orange est sans doute celle qui opposera le Stade malien de Bamako et le Djoliba, dimanche au stade Mamadou Konaté. Et pour cause, c’est le classico malien et la confrontation entre ces deux poids lourds du championnat marque le plus souvent un tournant dans la course au titre..

Par Djeneba BAGAYOGO


Publié vendredi 12 décembre 2025 à 09:34

CAN 2025 : La liste des aigles dévoilée ce soir dans le jt de l’ortm

C’est dans le journal télévisé de 20h de l’ORTM que le sélectionneur national Tom Saintfiet dévoilera aujourd’hui les noms des 27 joueurs sélectionnés pour la CAN, Maroc 2025 (21 décembre 2025-18 janvier 2026). Pour être parmi les premiers à découvrir les noms des heureux élus pour la grande messe du football continental, il faudra donc être devant son poste récepteur ce soir à partir de 20h..

Par Djeneba BAGAYOGO


Publié jeudi 11 décembre 2025 à 09:54

Nos expatriés : Mahamadou N’Diaye, «La déception du mondial peut nous servir de déclic pour la can»

Dans ces lignes, l'ancien defenseur international revient sur l'echec douloureux des éliminatoires de la coupe du monde 2026 et exhorte les Aigles à transformer cet echec en moteur pour la prochaine Coupe d'Afrique des nations..

Par Djeneba BAGAYOGO


Publié jeudi 11 décembre 2025 à 09:46

Championnat professionnel Ligue 1 Orange : AS Réal-Stade malien, le premier classique

Les deux équipes sont, chacune, dans une bonne dynamique et devraient produire du spectacle cet après-midi au stade Mamadou Konaté à l’occasion de la première journée en retard du championnat. En deuxième heure, le public de l’arène de N’Tomikorobougou assistera à une autre confrontation à suspense qui mettra aux prises le Djoliba et Afrique Football élite (AFE).

Par Djeneba BAGAYOGO


Publié mercredi 10 décembre 2025 à 08:42

US Bougouba : Baptême du feu réussi pour Mohamed Jean Traoré

L’US Bougouba a un nouvel entraîneur. Il s’agit de Mohamed Jean Traoré qui a été choisi par la direction du club pour remplacer Kalilou Doumbia limogé pour insuffisance de résultats, il y a juste deux semaines..

Par Djeneba BAGAYOGO


Publié mercredi 10 décembre 2025 à 08:30

Football : la FIFA outille les formateurs d'entraîneurs

La Fédération internationale de football association (FIFA), en collaboration avec la Confédération africaine de football (CAF), a organisé, du 2 au 5 décembre dernier, au Maroc, une formation des formateurs d’entraîneurs..

Par Djeneba BAGAYOGO


Publié mardi 09 décembre 2025 à 09:54

Violences basées sur le genre : L'association femmes et sport dit stop

La présidente de l’AFES, Mme Traoré Fatoumata Diallo.

Par Djeneba BAGAYOGO


Publié mardi 09 décembre 2025 à 09:31

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner