Condiments abandonnés : Une aubaine pour les revenus faibles

Certaines femmes les utilisent dans leurs sauces et d’autres les vendent sans préciser leur provenance

Publié vendredi 10 juin 2022 à 05:34
Condiments abandonnés : Une aubaine pour les revenus faibles

Aux environs de 18h, le marché de Médinacoura, le «Sougouni Coura», se vide petit à petit de ses locataires. C’est en ce moment que les activités de Diébou Kanté commencent. La dame de 47ans quitte chaque jour Sikoroni , un quartier de la Commune I du District de Bamako.

Elle vient ramasser les condiments avariés abandonnés pendant la journée dans ce marché célèbre de la capitale. Vêtue d’un boubou wax, assorti d’un foulard, Diébou Kanté tient un sachet bleu à la main gauche et un petit crochet métallique dans l’autre. Elle se promène dans le marché à la recherche de condiments avariés que les ménagères ne voudraient pas voir dans leurs achats. à côté d’un tas de pommes de terre, elle s’assied sur un gros caillou. à l’aide de son petit crochet, elle trie et sélectionne les tubercules encore comestibles à ses yeux.

La vieille quadragénaire poursuit son chemin. Elle tombe sur des oignons abandonnés et ensuite des morceaux de charbon de bois. Dans le résidu poudreux, elle ramasse les gros morceaux  de ce combustible. Elle enfouit le résultat de sa fouille dans deux sachets noirs. Au niveau  du stand d’un boucher, l’habitante de Sikoroni fouille du regard sur l’étal à la recherche de viande. Le boucher, Soungalo Tangara, l’occupant de ce stand,  l’appelle pour lui donner un sachet contenant de la viande. L’histoire de Diebou Kanté est pathétique.

Depuis l’accident de son époux, il y a trois ans, elle utilise les condiments avariés abandonnés sur place pour assaisonner la nourriture de sa famille. «Après l’accident de mon mari, nous n’avions plus rien à la maison. Un jour,  je suis venue au marché de Médina-coura sans un sou. Je pleurais constamment sur mon sort. Puis un jour, j’ai eu cette idée de ramasser les produits abandonnés.

Mon mari est décédé en me laissant en charge nos cinq enfants. Ma situation financière s’étant  fortement dégradée, je n’ai plus cessé de pratiquer cette activité. Aujourd’hui,  beaucoup de vendeurs manifestent leur solidarité à mon égard.. Ces derniers me donnent souvent de petits cadeaux». Le boucher Soungalo Tangara pense que seule la souffrance extrême peut amener une femme à ramasser des légumes avariés abandonnés à travers un marché pour se nourrir..

 Le ramassage des condiments abandonnés est une pratique répandue dans les marchés de Bamako. Au marché de Ouolofobougou, Mme Diakité Fatoumata Boré, la trentaine, vend des éventails. Vers 11heures du matin, elle déambule avec une bassine contenant ses marchandises sur la tête. Depuis huit mois, elle en profite pour  ramasser  des condiments abandonnés dans le marché.  Arrivée au niveau des vendeuses de gombo, elle remarque un tas de gombos abandonnés sur  un sac étalé. La vendeuse d’éventails pose ses marchandises. Elle empreinte un couteau à la vendeuse. Mme Diakité Fatoumata Boré trie les gombos qui sont bons.

Chez un vendeur de riz, elle se voit offrir un sac de cette céréale. Elle salue cette générosité constante de ce vendeur. Ce dernier, dans l’anonymat, soutient que chaque vendeur et vendeuse du marché devraient aider ces femmes qui sont réellement dans le besoin. C’est une manière, insiste-t-il,  de lutter contre la pauvreté à Bamako. «Je ne regrette pas d’aider Fatoumata Boré et je demande à tout le monde de ne pas la juger. On ne choisit pas son destin. Surtout en cette période de vie chère», lance le généreux commerçant. Mme Diakité Fatoumata Boré se livre tous les jours  au ramassage des condiments.

Elle explique que c’est le besoin criard qui lui impose cette activité.  «Ce n’est pas une chose aisée pour moi de ramasser ces condiments jetés devant  tout le monde. Parfois, j’ai honte mais sans cela  mes enfants ne vont pas manger, car tout est cher pour moi», confie celle dont le conjoint les a abandonnés pour s’installer dans une zone minière, il y a un ans et demi. Sans soutien, Fatoumata vend les éventails pour payer le loyer de la maison qu’elle occupe avec  ses gosses. «La sauce que je prépare dépend des condiments que je ramasse dans la journée», se lamente  la mère de 6 enfants, l’habitante de Lafiabougou Taliko (Commune IV).

 

Légumes ramassés -Le marché Wonida de Bozola n’échappe pas au ramassage des condiments abandonnés. Hadiaratou  Fomba, une sexagénaire, fait partie de celles qui pratiquent le ramassage. Elle prend  soin de cacher son visage à l’aide d’un foulard multicolore. Vers 19H, elle se promène dans ce marché de légumes  un sac à la main. Elle ramasse sur son passage les légumes dispersés par terre et ceux qui constituent des tas abandonnés. Choux-pommes, tomates, piments, poivron et patate douce, tous se retrouvent dans le sac de la vieille dame. Selon Hadiaratou Fomba, tous les soirs elle ramasse les condiments au marché Wonida, depuis de nombreuses années. «Je peux trouver de bons condiments aussi bien que des condiments partiellement avariés. J’arrive à tout vendre », indique la ramasseuse. Avant d’assurer qu’elle ne vole pas ses marchandises contrairement à ce que beaucoup de vendeuses pensent.

Tous les jours, après le ramassage, Hadiaratou Fomba expose ses condiments ramassés devant sa maison. Elle casse les prix. «Mes clients n’ont pas assez de moyens. Ils ne se plaignent pas de la qualité de mes marchandises. Ils ignorent aussi que ce sont des condiments ramassés. C’est pourquoi, quand j’exerce cette activité au marché je prends le soin de cacher mon visage avec mon foulard. J’ai peur d’être reconnue par des voisins du quartier. Ils vont mal interpréter ce que je fais. Mais à chacun  sa vie», explique Hadiaratou. L’argent qu’elle gagne, est utilisé pour satisfaire ses besoins personnels et ceux de sa famille.

Quant à Adiaratou Coulibaly, la quarantaine, elle ne vend pas ses condiments ramassés. Elle les met dans sa sauce chaque fois qu’elle doit cuisiner. Assise sur une calebasse devant sa cuisine, dans sa cour familiale à Bozola, cette ménagère précise que depuis plus de deux ans, elle fréquente le marché Wonida à la recherche de condiments abandonnés. «Ces ingrédients m’aident beaucoup. L’argent qu’on me donne pour la popote ne suffit pas. Donc j’ai eu cette idée et grâce à cela je prépare de la bonne sauce», se réjouit-elle. Et elle justifie le ramassage en ces termes : « si ces condiments ne sont pas ramassés, ils vont se gâter. Ce sont de bons légumes qui sont jetés ou oubliés par les vendeuses. Koro Touré, assise à côté d’ Adiaratou verse son avis dans la conversation: «Nombreuses sont les femmes qui ramassent les condiments, parce que ce sont de bons légumes et ils ne sont pas gâtés comme le pense tout le monde.

Moi aussi, je les ramasse d’ailleurs au su des membres de ma famille. Il n’y a pas de différence entre une nourriture préparée avec les condiments ramassés et ceux qui ont été achetés. Ils sont lavés et  le feu tue tous les microbes ».  Nantogoma Diarra,  vendeuse  de choux pommes au marché Wonida, témoigne que du petit matin à la nuit, beaucoup de femmes viennent ramasser les condiments. Ces ramasseuses sont connues de tous les vendeuses. Selon Nantogoma, ces dames trouvent assez de condiments au marché Wonida.

Elle explique que les ramasseuses ciblent les produits  en voie de décomposition, notamment la tomate et les feuilles comestibles abandonnées par les vendeuses. Elle conclut : «Je ne suis pas contre les ramasseuses de condiments. Elles sont dans le besoin et nous devons nous entraider en cette période  difficile. »


Baya TRAORÉ

Rédaction Lessor

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