
L’Essor : C’est quoi le statut du chef de file de l’opposition ?
Mohamed Lamine Ouattara : Comme cela existe dans beaucoup d’autres démocraties et ce, depuis très longtemps, surtout celles inspirées par le modèle britannique, le statut de chef de file de l’opposition au Mali est une position politique reconnue par l’État et instituée par une loi spécifique en l’occurrence la loi n°2015-007/ du 4 mars 2015 portant statut de l’opposition politique.
Si cette loi est d’adoption relativement récente, il est bon de rappeler que le statut des partis politiques de l’opposition est consacré depuis 1995, notamment à travers la loi n°95-073 du 15 septembre 1995 abrogée et remplacée par la loi n°00-047 du 13 juillet 2000.
C’est dire donc que notre pays s’est inscrit dans une logique de perpétuation et de consécration du rôle de l’opposition, à travers son institutionnalisation progressive. L’une des nouveautés de la loi de 2015 résidait alors dans la désignation d’un leader du rang de l’opposition qui va en être le chef avec des prérogatives, des droits et des devoirs à cet effet. Ce statut installe le chef de file de l’opposition dans un certain confort de fonctionnement (cabinet, véhicules de service, sécurité). Il est aussi relevé au rang de ministre avec des avantages protocolaires.
L’adoption de cette loi avait suscité beaucoup de réactions. Certains y voyaient une victoire de la démocratie ; elle symboliserait alors une marque de vitalité démocratique à travers une meilleure structuration de l’opposition et un meilleur accès à la prise de parole dans les médias publics. D’autres par contre soulevaient la crainte que l’opposition se fasse entretenir au point d’oublier son rôle au regard des privilèges qui sont accordés, sans oublier les risques de division en son sein, du fait de la désignation d’un chef de file.
L’Essor : Qui mérite ce titre ?
Mohamed Lamine Ouattara : La loi de 2015 est assez claire à ce propos notamment en son article 13 qui dit : «Le chef de file de l’opposition politique est désigné, en son sein, par le parti politique déclaré dans l’opposition, ayant le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale à l’occasion des dernières élections législatives. En cas d’égalité du nombre de députés, le chef de file de l’opposition politique est désigné par le parti politique déclaré dans l’opposition, ayant obtenu le plus grand nombre de conseillers communaux à l’occasion des dernières élections communales… ». L’article 13 propose une autre alternative selon les cas comme pour dire que beaucoup d’éventualités sont envisagées en vue d’un choix objectif.
Mais en dehors de ce cadre légal et de ces critères objectifs, le vrai enjeu réside dans la question de la légitimité. Comme le disait le journaliste feu Adam Thiam, le chef légal doit être un chef légitime. Le chef de file de l’opposition doit être une personnalité qui arrive à fédérer et à rassembler plutôt les différentes positions de l’opposition, pour ne pas fragmenter davantage un camp parfois déjà éclaté.
Le mérite revient donc au responsable du parti politique ou de la coalition ayant le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale parmi les partis d’opposition ou répondant aux autres critères selon les cas ; mais ce dernier doit bénéficier d’une certaine légitimité de sorte à pouvoir mettre en œuvre son leadership.
L’Essor : Pourquoi ce statut est accordé à un leader politique ?
Mohamed Lamine Ouattara : Ce statut est accordé à un leader politique, surtout du rang de l’opposition au regard des rôles et attributions qui sont dévolus à ce dernier et consacrés par la loi de 2015. L’on peut citer par exemple, entre autres, la représentation de l’opposition politique dans les grandes instances de l’État ; la consultation sur des questions nationales (notamment les réformes électorales, constitutionnelles, etc.) ; la faveur de disposer d’un temps de parole dans les médias publics. S’y ajoute la formulation des critiques sur les politiques gouvernementales.
On voit donc clairement que le chef de file de l’opposition peut jouer un rôle structurant et crédible dans la vie politique, s’il incarne à la fois compétence, légitimité électorale et capacité de proposition. En sus, l’opposition ne doit pas être systématiquement dans la confrontation. Une posture équilibrée, critique mais responsable, peut renforcer sa crédibilité. Tout cela passe nécessairement par une certaine structuration et organisation de l’opposition pour que celle-ci n’évolue pas en rangs dispersés. Par ailleurs, le statut doit permettre de valoriser l’opposition extraparlementaire en coordonnant les actions de celle-ci avec celle de l’opposition parlementaire.
L’Essor : À l'heure de la relecture de la Charte des partis politiques, faut-il garder ou supprimer ce statut ?
Mohamed Lamine Ouattara : À mon avis, la refondation tant voulue par les Maliens doit se faire en préservant les acquis positifs de notre démocratie tout en corrigeant les imperfections et les tares. Les Assises nationales de la refondation (ANR) ont clairement recommandé la relecture de la Charte des partis politiques, avec une réaffirmation du statut de chef de file de l’opposition non pas une suppression. Et les besoins d’analyse exigent de faire un bilan de ce statut en passant au peigne fin ses forces et ses faiblesses, histoire d’éviter de tomber dans l’effet de mode.
Dans la pratique, l’on a observé quelques problèmes ou risques liés au statut de chef de file de l’opposition.
Tout d’abord, il faut signaler le risque de personnalisation excessive en ce sens que la politique malienne est souvent centrée sur les personnes plutôt que sur les idées. Le statut peut renforcer cette tendance. Ensuite, ce statut peut aussi être à la base d’une fragmentation de l'opposition dans des cas où le chef de file est contesté par d’autres partis d’opposition, ce qui peut affaiblir leur cohérence. En un moment donné, feu Soumaila Cissé était confronté à ce problème.
Cependant, malgré ces inquiétudes légitimes, les avantages de ce statut semblent l’emporter sur ses faiblesses et ce, pour quatre raisons au moins. La première a trait à l’idée d’un renforcement de la démocratie. Il est évident que ce statut institutionnalise l’opposition, ce qui est crucial dans une démocratie. Il garantit un contre-pouvoir officiel et structuré. La deuxième raison est que le statut permet un encadrement du débat politique en permettant à l’opposition d’avoir une voix forte, bien identifiée, dans les débats nationaux.
En troisième lieu, il faut dire que ce statut permet une certaine stabilité politique car plutôt que de marginaliser l’opposition, ce statut l’intègre dans le jeu politique. Ce qui peut réduire les tensions ou les conflits liés à l’exclusion. La quatrième raison et non pas la moindre, c’est que le statut oblige l’opposition à proposer des alternatives concrètes, avec une figure qui en porte la responsabilité devant l’opinion publique.
Au regard donc de toutes ces raisons, je reste circonspect et demeure dans l’expectative quant à l’idée d’une éventuelle suppression du statut du chef de file de l’opposition car pour moi tout ce qui ne menace pas la démocratie, la rend plus forte. Une opposition forte et fortement institutionnalisée est symbole de vitalité démocratique car l’un des principes sacrosaints de la démocratie est l’acception de la contradiction et de la diversité des opinions. Je crois personnellement à la force de la contradiction et des critiques constructives car les contraires s’accordent et la discordance crée la plus belle harmonie.
Interview réalisée par
Namory KOUYATE
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