Evolution du Bamanakan dans les Ntic : À pas de caméléon

Les défis à relever portent sur la vulgarisation des nouveaux mots, la symbiose des acteurs et l’engagement politique

Publié lundi 25 avril 2022 à 05:36
Evolution du Bamanakan dans les Ntic : À pas de caméléon

Notre pays est entré dans l’ère des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (Ntic) et doit adapter son répertoire lexical (en termes de langues nationales) aux concepts des Nouvelles technologies. à cet effet, le bamanankan qui figure parmi les 13 langues nationales officielles reconnues, développe des terminologies sur les Ntic, mais à un rythme moins soutenu.


Dr Issiaka Ballo, linguiste, auteur et enseignant chercheur à l’Université des lettres et sciences humaines de Bamako (ULSHB), explique que le centre «Fakan kanbaaraso», créé en 2007, s’emploie pour mieux outiller nos langues nationales dans le domaine des Ntic. Selon le linguiste, le travail d’adaptation des terminologies à celles des options présentes dans les découvertes technologiques est bien ancré dans nos langues.


Le spécialiste des langues sait de quoi il parle pour avoir été coauteur du premier dictionnaire monolingue. Il révèle qu’en bamanankan, les outils que les linguistes arrivent à développer notamment les applications, les logiciels et les plateformes sont interfacés dans nos langues à travers les options qu’il faut. Il cite en exemple «kalimou», un logiciel de traitement de texte et l’application «bamanankan» téléchargeable sur Google Playstore.

 En ce qui concerne le lexique, poursuit-il, des efforts sont fournis pour donner des noms aux outils technologiques : l’ordinateur s’appelle en bambara «latiguèlan», l’informatique «latiguèdon». Dans ses démarches, l’enseignant chercheur confie que le premier dictionnaire monolingue a été créé depuis 2007 sous la forme numérique. En 2021, le support papier a été édité et publié avec plus de 13.000 entrées.


Malheureusement, nos compatriotes ne se sont pas appropriés cet outil à hauteur de souhait. L’universitaire impute cette situation à une insuffisance de financement et un manque d’adhésion populaire. Dr Ballo explique que les linguistes ont animé plusieurs émissions de sensibilisation à la radio et tenu des rencontres avec les journalistes en vue de vulgariser les produits de leurs recherches.

Mamadou Tounkara, professeur de langue nationale au lycée Ibrahima Ly avoue qu’il y a des processus de création de nouveaux mots en bamanankan. En ce qui concerne ses recherches, il pense que le système d’écriture n’ko est très productif surtout le domaine des Ntic. Le pédagogue signale que les mots créés en bamanankan sont très peu exploités. Et de regretter que les créations individuelles soient les plus populaires.


Cela est très souvent à l’origine des contradictions des terminologies comme c’est le cas avec les dictionnaires en ligne. «Certains professeurs tentent souvent de créer des mots pour satisfaire la demande des enfants curieux de savoir l’équivalent de certains mots français en bamanankan.


Également, nous leur donnons des emprunts», ajoute Mamadou Tounkara qui déplore une faible vulgarisation des nouveaux mots créés en bamanankan par l’Académie malienne des langues (Amalan). Selon lui, le système d’écriture n’ko permet de combler ce vide à travers la création des terminologies dans la langue mandingue pour signifier les mots étrangers.

 

L’importante contribution du n’ko-Adama Coulibaly enseigne le n’ko. Il note que ce système d’écriture contribue énormément à la promotion du lexique du bamanankan, surtout dans le domaine des Ntic. Cela, précise-t-il, à travers la traduction et l’adaptation aux nouvelles terminologies.

L’enseignant ajoute qu’ils ont aussi recours aux emprunts. En ce qui concerne la structuration de ces recherches, notre interlocuteur explique qu’il y a un comité de réflexion qui juge de la pertinence des mots proposés par les chercheurs avant de les adopter. Il assure qu’ils ambitionnent de collaborer avec l’Amalan pour enrichir le bamanankan. Des jalons sont déjà posés, assure-t-il, puisque désormais le n’ko transcrit cette langue nationale comme elle est parlée dans notre pays.

Mamadou Konta, le chef du département programme d’études et de recherches à l’Amalan confie que la coopération avec le mouvement n’ko concernant la création lexicale est faisable. Pour cela, propose-t-il, il faut d’abord une séance de travail au cours de laquelle les adeptes du n’ko seront représentés. «Si leur proposition de mots est bonne, il n’y a aucune raison qu’elle ne soit pas adoptée.


Ils ont beaucoup de documents qui peuvent nous aider à enrichir le vocabulaire du bamanankan. La collaboration doit se faire officiellement», explique le chercheur. Et d’ajouter que certains partisans du n’ko doivent cesser de remettre en cause ce que l’État fait depuis plus de 50 ans à travers l’Amalan, en termes de promotion de nos langues nationales. Par ailleurs, l’académicien assure que les multiples traductions d’un mot par différents acteurs ne sont pas un problème. Les gens adoptent le mot qui arrive à s’imposer, soutient-il.

Le chef du département programme d’études et de recherches à l’Amalan affirme que l’évolution technologique et scientifique dans le monde doit être sentie au niveau des langues nationales. C’est pourquoi, justifie-t-il, l’Académie essaie de satisfaire les besoins de la population surtout celle qui n’est pas allée à l’école française en termes d’accès aux nouvelles technologies. «L’Amalan est une institution de promotion des langues nationales. Notre devoir est de mettre à la disposition de toute la population les technologies qui peuvent l’aider à travailler, concevoir, à maitriser les Ntic», estime Mamadou Konta.

Et de rappeler que l’Amalan a collaboré avec Onu Femmes sur un projet en faveur des femmes qui utilisent leurs téléphones dans les domaines du commerce, de l’agriculture et de l’élevage. «Cette organisation onusienne est venue à nous avec des terminologies liées aux Ntic à traduire en langues nationales. On a par exemple traduit le téléphone digital en téléphone (tirita), le Smartphone en téléphone (kekouma), mot de passe (témèkan) et clavier s’appelle en bamanankan (sikiliwalan)», développe le chef du département programme d’études et de recherches.

Le chercheur Konta se réjouit du fait qu’aujourd’hui il y a tout un lexique sur le matériel informatique et sur Internet. Il y a des emprunts et des créations qui ont été validés avec les locuteurs. «Ce n’est pas une simple invention. Ce sont les résultats des recherches faites en collaboration avec des linguistes spécialistes. Nous essayons de trouver ensemble les terminologies adéquates qui peuvent être utilisées sur le terrain», assure le responsable du département programme d’études et de recherches de l’Amalan.


Il ajoute que leurs préoccupations sont liées à une insuffisance de ressources humaines compétentes, de matériels de travail et de ressources financières pour aller sur le terrain. En plus, il y a le faible engagement des politiques. L’académicien souligne que les Assisses nationales de la refondation (ANR) ont permis de savoir que nos compatriotes sont prêts à accompagner l’officialisation des langues nationales.

Mohamed DIAWARA

Lire aussi : Tombouctou : Les communautés pleurent la perte de l'imam de la grande mosquée de Djingareyber

De son vrai nom Abdrahmane Ben Esaayouti, le grand imam a tiré sa révérence ce mercredi 10 decembre 2025. Il a été accompagné à sa dernière demeure par une foule nombreuse de fidèles, d'amis et de parents..

Lire aussi : Fonction publique d'État : Le recrutement de 926 agents contractuels lancé

Les autorités de la Transition ont décidé de combler au niveau de la Fonction publique d'État les insuffisances en termes de personnel de l'administration relevant du Code du travail..

Lire aussi : Abdoul Niang Journaliste, analyste politique et influenceur sur les réseaux sociaux : «L’ESSOR et L’ORTM gardent encore une place essentielle dans la communication d’État, la diffusion des politiques publiques et la valorisation des institutions»

Pour Abdoul Niang, il est évident pour tout le monde que ces deux médias publics ont marqué leur époque. L’ORTM est la principale source d’information audiovisuelle au Mali depuis plusieurs décennies. Quant à l’Essor, en tant que journal d’État, il est la référence écrite officiell.

Lire aussi : Kayes : La lutte contre le Sida ne faiblit pas

Le VIH/Sida représente un réel problème de santé publique à l’échelle planétaire.

Lire aussi : Sikasso : Réformes politiques, institutionnelles et électorales au cœur d’une rencontre

-.

Lire aussi : Université publique de Gao : Le ministre Kansaye entend accélérer son opérationnalisation

Dans le cadre de l’opérationnalisation effective de l’Université publique de Gao, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Pr Bouréma Kansaye a entamé, le week-end dernier, une visite dans la Cité des Askia qu’il bouclera aujourd’hui. Il est accompagn.

Les articles de l'auteur

Fonction publique d'État : Le recrutement de 926 agents contractuels lancé

Les autorités de la Transition ont décidé de combler au niveau de la Fonction publique d'État les insuffisances en termes de personnel de l'administration relevant du Code du travail..

Par Mohamed DIAWARA


Publié samedi 13 décembre 2025 à 11:47

Information à la télévision : Le coup de gueule des sourds

Ces personnes atteintes de surdité et ceux qui défendent leurs droits dénoncent la non application des textes. Certains estiment que la télévision nationale doit avoir des interprètes en langue des signes à l’instar de beaucoup d’autres pays de la sous-région.

Par Mohamed DIAWARA


Publié lundi 08 décembre 2025 à 08:09

Violences psychologiques : Les tourments d'une victime

Les activités de la campagne intitulée : «16 jours d'activisme contre les Violences basées sur le genre (VBG)» battent leur plein. Dans ce cadre, une victime de violences psychologiques a accepté de se confier sous anonymat. L'habitante de la Commune I du District de Bamako dit avoir été abandonnée, il y a trois ans, par son mari après une épisiotomie..

Par Mohamed DIAWARA


Publié vendredi 05 décembre 2025 à 09:41

Audiovisuel : Les virtuoses qui font la fierté de l’Ortm

Mme Bintou Ouédraogo Dembélé et Mme Ouédraogo Rokia Traoré ont su tracer avec abnégation leur sillon dans le métier du son, essentiellement dominé par la gent masculine.

Par Mohamed DIAWARA


Publié vendredi 05 décembre 2025 à 09:39

Gestion de la crise des hydrocarbures : 41 pétroliers, responsables syndicaux et chauffeurs décorés

À tout seigneur, tout honneur ! Ainsi peut-on qualifier la décision du Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta, d’attribuer des distinctions honorifiques aux opérateurs pétroliers, aux responsables syndicaux et chauffeurs blessés qui ont accompagné activement l’État dans la gestion de la crise des hydrocarbures. Les décrets d’attribution de ces décorations datent du 26 novembre 2025..

Par Mohamed DIAWARA


Publié mercredi 03 décembre 2025 à 09:34

Mali: L'opérateur économique El Hadj Hamed Niang tire sa révérence

L'opérateur économique et philanthrope Elhadj Hamed Niang est décédé le dimanche 30 novembre 2025 à Dakar dans la capitale sénégalaise.

Par Mohamed DIAWARA


Publié lundi 01 décembre 2025 à 12:15

Santé de la reproduction : Les femmes sourdes refusent la fatalité

Faisant partie de l’une des couches les plus vulnérables du pays, ces dames ont initié, entre elles, des activités d’échanges sur la santé de la reproduction pour favoriser un changement de comportement dans leur communauté.

Par Mohamed DIAWARA


Publié vendredi 28 novembre 2025 à 08:40

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner