#Mali : Communicateurs traditionnels : Un nom générique des dépositaires de nos US et coutumes

Les communicateurs traditionnels sont essentiels pour tisser les liens du mariage. Mais aussi pour la stabilité, la cohésion sociale et la paix parce que ces personnes prêtent le plus souvent leurs bons offices dans la résolution des conflits

Publié lundi 08 juillet 2024 à 07:49
#Mali : Communicateurs traditionnels : Un nom générique des dépositaires de nos US et coutumes

Les communicateurs traditionnels lors d’une rencontre (archives)



Ils étaient essentiels dans notre société traditionnelle. Ils le demeurent dans la société moderne. Ils ce sont les hommes griots, forgerons et autres hommes de caste qui sont aujourd’hui désignés sous le nom générique de communicateurs traditionnels. Leur rôle a su franchir les âges. Cette couche sociale reste un liant dans les relations humaines, notamment entre les familles et les communautés.
Les communicateurs traditionnels sont les dépositaires des valeurs ancestrales qu’ils relaient pour des générations et des générations. Ils sont les gardiens du temple des savoirs traditionnels, mais surtout incontournables pour tisser les liens de fiançailles, du mariage et dans l’organisation d’autres évènements sociaux comme les funérailles et les baptêmes, entre autres. Ils sont aussi des médiateurs tout désignés pour arrondir les angles dans les disputes au sein du couple ou de la famille.


Regards croisés de quelques acteurs sur ces communicateurs.
 Ibrahima Soumano alias «Bourama Soumano» est un griot dont la réputation n’est plus à établir dans la capitale et ailleurs.  Il confirme que les communicateurs traditionnels sont par exemple «au début et à la fin» du mariage qui est une institution sociale dans notre pays. «Nous jouons d’abord le rôle de facilitateur ou d’intermédiaire entre les belles familles. Nous sommes aussi des démarcheurs qui établissent un pont entre les parties contractantes du mariage». Notre interlocuteur qui sait de quoi il parle explique en termes, simples qu’ils posent souvent les premiers jalons des relations entre belles familles. Le dépositaire de savoirs traditionnels définit cette première démarche, selon une expression consacrée en bamanakan : «Tougosi», c’est-à-dire l’ouverture d’une enquête qui ne dit pas son nom entre les futures belles familles.


Il pousse son analyse plus loin et rappelle qu’après les premières démarches, on passe ensuite à la supérieure, autrement dit demander la main de la fille ou de la femme à sa famille. C’est après avoir scellé des accords entre familles sous la houlette du communicateur traditionnel qu’on arrive à l’étape du mariage proprement dit. C’est ainsi que le maire en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés unit les conjoints devant Dieu et les hommes ou c’est l’imam de la mosquée du quartier qui se charge de sceller l’union sacrée du mariage entre l’homme et la femme.


 Bourama Soumano souligne que les communicateurs traditionnels sont aussi les garants de la stabilité du mariage scellé. «Notre rôle est primordial parce que nous suivons tout le processus, depuis les fiançailles jusqu’à mariage». Souvent même l’après-mariage où ils interviennent pour aplanir certaines difficultés liées à la vie en couple. Il explique en clair avec une pointe d’humour que le communicateur traditionnel est présent aussi bien dans les moments agréables que dans les moments difficiles où certains couples ont toutes les chances de se disloquer si on n’intervient pas pour désamorcer la bombe qui ferait voler en éclats le couple.
Doit-on déduire que dans notre société le mariage est impossible sans l’implication des communicateurs traditionnels ? Bourama Soumano, sans prendre de gants répond par l’affirmative. Pour lui, il est clair «qu’on peut bel et bien trouver d’autres personnages capables de faire les mêmes démarches. Mais, à certaines étapes du processus, celles-ci s’effaceraient parce que notre société est conçue de sorte que les tâches et les fonctions sont bien réparties. Ce, depuis des lustres».  


Apanage des communicateurs traditionnels- Le secrétaire général du bureau national de la Fédération des jeunes griots du Mali précise qu’au niveau de la localité du Mandé, les communicateurs traditionnels ont été classés en quatre grandes familles à savoir les griots «djéli», les forgerons «noumou», les tisserands «garangué» et les «Founè», autres hommes de caste. Sékou Diabaté estime que les appellations des communicateurs traditionnels peuvent varier selon les aires culturelles du Mali. «Dans l’aire culturelle peul, on a les «Mabo». Chez les Soninkés, ils sont désignés sous le vocable de «guiséré» et dans le Septentrion malien, ils prennent les noms «sakè» et «garagassa», détaille l’homme de caste. Ces personnages, souligne-t-il, sont des faiseurs de paix dans notre pays. «Nous avons le rôle de réconciliateur et  de médiateur. Nous sommes des acteurs de paix, de cohésion et de réconciliation. Nous gérons les différends et les conflits», explique clairement le secrétaire général du bureau de la Fédération des jeunes griots du Mali. «Nous faisons les démarches pour sceller le mariage entre les familles. Dans certaines circonstances, on nous confie le beau rôle de choisir même les épouses pour les hommes ou vice versa.», déclare Sékou Diabaté. Et d’affirmer que les démarches matrimoniales doivent demeurer l’apanage des seuls communicateurs traditionnels. Malheureusement, il s’inquiète de voir n’importe qui s’attribuer le rôle de démarcheur traditionnel.


Selon lui, l’avènement de la religion musulmane chez nous a permis à d’autres couches de s’inviter dans les démarches du mariage. «Des gens se font mandater pour le faire. Cela est bon. Mais ils doivent d’abord chercher à connaître les spécificités qui régissent le rôle que nous jouons. Quand un noble se donne le courage de faire les démarches d’un mariage, il n’en connaît pas tous les secrets comme par exemple chercher à connaître la dignité et la noblesse de la famille sollicitée, etc. Or, ce sont là des facteurs indéniables auxquels les communicateurs traditionnels font beaucoup attention», précise-t-il.  


Le Pr Ibrahim dit Iba Ndiaye, enseignant-chercheur et maître de Do Kayidara (système éducatif traditionnel depuis le temps des empires, avant même l’arrivée des Arabes) est de ceux qui défendent la place des communicateurs traditionnels dans notre société  en dépit de la modernité d’inspiration européenne. Certes, le Pr Ndiaye ne fait aucune prédiction sur la manière dont il voit l’avenir des communicateurs traditionnels dans un futur proche ou lointain. Mais, au regard de notre façon d’organiser les événements sociaux comme les  mariages, baptêmes et autres, tout laisse croire que ces gardiens de nos traditions ont encore de beaux jours devant eux.

Sinè TRAORE

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